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EXCURSION BANS LE MIDI. 245 Nous arrivâmes bientôt au faîte de la colline. Les gros nuage» tout pleins de tonnerres, qui, quelques heures au- paravant, menaçaient la ville, avaient fui vers nos provinces du nord où nous jouissons assez ordinairement du privilège de voir fondre en pluies insipides et froides les chauds et poétiques orages qui se forment dans le midi. Le ciel pu- rifié étincelait de clartés radieuses, comme s'il eût voulu rendre plus solennel le paysage qui se déroulait sous nos yeux, à mesure que nous approchions de la cîme du mont. J'entendais au dessus de ma tête les chants de l'hirondelle, vive et joyeuse, qui planait dans les airs entre le ciel splen- dide et les flots transparents de la Méditerranée, Ces petits flots brisés par les iris flotlants ; les émanations de l'algue marine, les douces senteurs du r o - marin embaumaient la montagne. Toutes les voix de la na- ture semblaient jeter leur note dans ce concert harmonieux. Marseille, la ville si populeuse, si affairée, si palpitante sous les joies et les angoisses de la spéculation, posait là -bas, à nos pieds., calme, silencieuse et placide comme une indo- lente cité d'Orient. Son golfe présentait en ce moment l'image vivante des deux âges de l'art nautique : les paquebots lais- sant derrière eux une longue traînée de fumée blanche, et les bâtiments à voile luttant de vitesse pour entrer au port. Dans le port s'élevait une forêt de mais qu'on aurait dit m ê - lés, pressés, enchevêtrés les uns dans les autres, comme les fils d'un écheveau embrouillé. La mer et les montagnes grises de Monlrédon et de Maïré dessinant dans le ciel bleu leurs trapèzes fantasques, encadraient magnifiquement ce paysage. Moi, qui n'avais encore vu le port de Marseille que dans le tableau de Joseph Vernet, avec ses ballots de marchan- dises empilées sur les quais, son petit abbé Coquet faisant la révérence à quelque marquise Pompadourette, et son gros Turc qui fume, je ne pus maîtriser la vive émotion que je