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102 BULLETIN DRAMATIQUE. que Stmiramh 'd'un style vieilli, car , il faut l'avouer , l'ancien système italien, où le musicien tenait si peu de compte des situations du poème et prodiguait les fioritures sans s'inquiéter de leur convenance dramatique, ce procédé qui s'adapte si bien du reste à l'esprit ironique et railleur de Rossini, n'est plus admissible aujourd'hui, après les compositions si par- aitement étudiées de Meyerbeer. A défaut de la puissance musicale du maître italien, l'auteur des Huguenots, avec une plus grande intelligence littéraire, nous a accoutumés à chercher sur la scène des caractères musicaux strictement adaptés aux caractères dramatiques. Sous ce rapport, le rôle de Marcel, est un véritable chef-d'œuvre. Rossini, trop spontané et trop fécond pour s'astreindre à suivre pas à pas d'aussi misérables rhapsodies que les livrets de ses opéras , prodigue les trésors de son imagination à grands flots, et sans trop s'inquiéter de l'instant dramatique dans lequel se dé- roulent ses riches broderies. On dirait dans SémiramU que pour narguer son auditoire, il a voulu surcharger des ornements les plus capricieux, les beautés vraiment épiques qui abondent dans cette grande partition. Notre public paraît n'avoir pas eu le coup d'œil assez sûr pour aller démêler sous ces parures, qui sont devenues, nous l'avouerons, un peu semblables à de vieux oripeaux, la véritable grandeur du style. Mais les vrais cou- pables du peu de succès de la pièce sont l'auteur et le traducteur du livret qui ne renferme pas une seule situation franchement accusée et qui égale en platitude les chefs-d'œuvre du genre , et c'est beaucoup dire. Quand donc les musiciens auront-ils assez de goût littéraire pour comprendre la grosse absurdité de la plupart des cadres qu'on leur fournit? De la mu- sique comme celle de Sémiramis sur un pareil livret, c'est une beauté vivante attachée à un cadavre. Une représentation de Sémiramis n'est donc exactement qu'un concert, l'intérêt dramatique n'existe pas, et la pompe du spectacle qui tend à remplacer tout autre mérite dans nos opéras, n'est pas suffisante dans cette pièce pour nos yeux blasés. Le peu d'empresse- ment du public est d'autant plus fâcheux que l'exécution de l'ouvrage sur notre théâtre, est vraiement très satisfaisante. Poitevin qui remplit le seul rôle d'homme réellement important, chante avec une remarquable fa- cilité les vocalises dont ce rôle abonde. M l l e Bouvard a travaillé cette musique avec discernement, elle trouve l'occasion d'y placer les belles notes qu'elle a dans les cordes graves, elle a obtenu un succès mérité. Comme toujours, c'est M l l l c Miro qui nous a offert l'ensemble le plus complet. C'est toujours à elle qu'il faut revenir pour le sentiment profond, la grâce et la finesse des nuances. Sdmiramis nous l'a montrée telle; que Norma, Lucie, et tous les rôles qui exigent l'élévation, la distinction et la haute