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                         BULLETIN DRAMATIQUE.                               103
                              me
intelligence dramatique ; M       Miro nous amène à la reprise des Martyrs
où ses admirables qualités tragiques ont si bien ressorti ; après Rachel,
nous n'avons jamais vu la draperie antique portée avec un goût plus sévère
et une plus noble tenue. M. Godinho est très convenable dans le rôle de
Potyeucle. L'orchestre , dans ces deux grands ouvrages, a montré de la
vigueur, de l'ensemble ; la magnifique ouverture de Sgmiramis est exécutée
largement ; peut-être la vigueur, louable quand l'orchestre est seul en scène,
va-t-elle trop loin dans certaines parties d'accompagnement.
   M me Damoreau-Cinti, qui était venu de Paris prêter au concert de M. Jan-
senne le fructueux concours de sa présence, n'a pas voulu nous quitter sans nous
faire ses adieux dans quelques-uns des rôles qui ont agrandi sa réputation ;
VAmbassadrice, le Domino Noir, le Barbier. Elle a racheté par la légèreté et le
bon goût de ses vocalises, par l'excellence de sa méthode, tout ce que sa voix ,
hélas ! laisse à cette heure à désirer de fraîcheur et de jeunesse, et une foule
d'élite lui a prouvé, par son empressement et ses bravos, tout le plaisir qu'elle
trouvait encore à entendre ce souple et merveilleux talent de cantatrice.
   La comédie a donné signe de vie :Jes Demoiselles de Si-Cyr par Alexandre
Dumas nous ont offert une intrigue de vaudeville dans les proportions d'une
comédie en cinq actes. C'est une œuvre faite au point de vue des droits d'au-
teur, comme on écrit le feuilleton. Elle eût gagné à être resserrée en trois
actes. L'invraisemblance des situations et le ridicule des personnages et le
décolleté du dialogue n'en feront jamais, du reste, un ouvrage à la hauteur de
la scène où il a été représenté. Qu'est devenu l'auteur de Henri III, de Christine
et de quelques autres productions où l'art était honoré !... Il ne faut plus de-
mander qu'aux débuts de la jeunesse des œuvres consciencieusement travaillées.
La Ciguë, de M. Emile Augier, est une spirituelle comédie où le vers a de la
facilité et du trait, où foisonne l'observation. M. Emile Augier est le petit-fils
de Pigault-Lebrun, il pourrait bien aussi descendre de l'auteur d'Amphylrion.
On retrouve déjà chez lui le vis cotnica et une connaissance assez approfondie
du cœur humain. Ce début-là est une promesse pour l'avenir. Quand l'Odéon
n'aurait produit que Lucrèce et la Ciguë, ces deux œuvres littéraires suffiraient
à légitimer son existence.
   Notre seconde scène remplit et vide tous les jours son tonneau des Danaïdes.
A travers celte effrayante consommation de drames et de vaudevilles, à travers
ce cataclysme de couplets et de tirades, de calembourgs et de polkas, nous
n'avons à signaler que deux amusantes pièces : CEloumeuu et la revue de
i845 et 1945. Dans la première, M. Eournier met au service de son rôle une
verve et un comique charmants ; et, dans la seconde, MM. Coignard ont fait
 preuve de beaucoup d'esprit aux dépens de nos travers et de nos ridicules.