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PRÉFACE. 515 briller sur l'horizon le plus sombre quelques lueurs d'espé- rance, et replacent da«s notre ciel quelques étoiles éteintes. Ne cherchez donc pas par une critique, inutile du reste, car on lira toujours des romans, puisqu'il y aura toujours des gens qui souffrent; ne cherchez donc pas à diminuer les consolations dont on a tant besoin dans ce meilleur des mondes possible. Malheureusement notre littérature s'est gâtée en se char- geant d'abstractions genevoises, de métaphores allemandes, de phraséologie à la Ronsard, et les bons romans deviennent rares ; car je n'appelle pas romans les livres qui, sous ce titre modeste, ont osé faire entendre au siècle de si hautes et si sévères vérités. On doit à la littérature moderne l'invention du roman maritime, d'une ressource immense pour ceux qui joignent, à l'indolence naturelle de l'affliction, le désir de ne pas pleurer à la même place, et l'invention du roman histo- rique dû à l'amour éclairé de Walter-Scolt pour ses ancêtres ; mais le roman maritime a sombré sous voile, et le roman historique s'est perdu dans la nuit des temps, en se traînant à reculons sur ses béquilles chronologiques. Le roman de che- valerie est impossible depuis que Cervantes a sonné l'enterre- ment de l'héroïsme, et le roman d'intrigue serait tout aussi hors d'époque de nos jours qui le roman merveilleux, genre, hélas ! à jamais regrettable ! terme moyen entre la prose et la poésie, combien ces ouvrages résonnaient puissamment dans ce coin de superstition qu'on se découvre au fond du cœur, quand, ne trouvant pas de remèdes humains pour guérir ses maux.;, on se met à croire qu'il n'y a qu'un talisman ou un pouvoir surnaturel qui puisse nous en délivrer ! Seul, le ro- man intime a survécu à ses aînés ; je n'entends pas par cette désignation le livre où l'auteur initie le lecteur aux mystères de son cœur ; je le lis avec plaisir, peut-être, mais je le blâme hautement. Comment imaginer qu'on écrive à un ami, s'il reste de l'amitié à qui connaît l'amour, le détail minutieux