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ET DANS LE TEMPS. 467 m'asservissant à l'empire des sens. Pourquoi me sens-je en- traîné par deux mouvements contraires? Non , l'homme n'est point un : je me sens à la fois esclave et libre; je vois le bien, je l'aime, c'est lé mal que je fais; et mon pire tourment quand je succombe est de sentir que j'aurais dû résister. » Pourquoi Pascal avoue-t-il la môme observation : « Nous aimons la vertu, dit-il, nous approuvons le bien, et nous faisons le mal que nous condamnons. Toujours en contradic- tion avec nous-mêmes, nous vivons d'égoïsme et nous exal- tons le dévouement ; notre raison appelé la vérité et nous suc- combons à l'erreur; notre cœur aspire aux biens infinis, et il est esclave de mille désirs honteux. » Pourquoi le poète fataliste des premiers jours de notre siècle, lord Byron , se croyait-il le droit de dire : « Oui, notre vie est une fausse nature, elle n'est pas dans l'harmonie universelle! » Pourquoi Kant, le métaphysicien du rationa- lisme , commence-t-il un de ces ouvrages par ces mots : « L'homme est méchant par nature ; il y a en lui un principe de méchanceté et de mal, et l'on s'en est plaint de tout temps. » Pourquoi le grand historien allemand, Herder, fait-il cette observation : « C'est une chose surprenante quoi qu'incon- testable, que de tous les habitants de la terre, l'homme est celui qui est le plus loin d'atteindre sa destination. Tout animal atteint ce que son organisation peut atteindre, la destination secrète de chaque animal s'accomplit, et il est ce qu'il devait être. Et voilà que l'homme seul est en contradic- tion avec lui-même et avec l'univers entier. » Pourquoi une femme toute pleine de génie et de poésie, madame de Staël, s'écriait-elle il n'y a pas longtemps : « N'y a-t-il pas dans l'esprit de l'homme deux tendances aussi opposées que la gravitation et l'impulsion dans le monde physique : c'est l'idée d'une décadence et celle d'une