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98                            BIBLIOGRAPHIE.
toient manvais, et l'on n'en pouvoit pas prou avoir. Les gens des villes at-
troupés couraient, toutes les nuits par les campagnes, chez les paysans pour
avoir quelques morceaux de pain. Même des gens de considération, gens de
métiers et autres, ou leur jetoit quelque peu de pain par les fenêtres, de
peur d'être tué ou égorgé, car le monde n'etoit pas en sûreté chez eux, et
dans cette même année, nous avons eu la guerre avec.le Piedmont, qui
nous a perdu entièrement, car un régiment n'etoit pas sorti de la maison que
les autres y entroient : et, avant celle-ci, la guerre de Messine, où il y avoit
toutes sortes de nations, tous méchants. Toute la nuit il falloit leur donner
à manger et courir par les rues pleines de neige, endurer de grands froids en
mangeant notre bien et n'avoir pas la paix avec eux. C'étoient des démons
sortis de l'enfer. Dans ladite année 1709, le bichet de froment a valu
vingt-trois livres, le seigle seize livres : et depuis ce temps jusqu'en 1725,
le froment a valu, presque toujours, six, sept et huit livres, et le seigle trois
quatre et cinq livres et de grosses tailles, capitations et beaucoup d'autres
impositions, Les récoltes ne pouvoient pas payer lesdites tailles, et imposts.
Il falloit vendre les biens. De plus, les miliciers que chaque année on
prenoit par force, on les menoit tous enchaînés avec des chaines de fer,
comme des démons, jusques à trois cents dans la même chaîne, couchés en
prison ou dans les écuries, sans les sortir de leur chaîne accompagnés du
prévost, de ses archers et des sergents qui voloient tout ou preuoient une
partie de leurs étapes ; et les pauvres soldats de la milice dévoient par
les chemins sans aucune miséricorde de personne. Dieu veuille que cela,
 dans votre temps, ne vous arrive jamais, et priez Dieu pour nous de tant
 de souffrances que nous avons endurées ponr vous conserver ce que nous
vous avons laissé. Ce n'est pas sans grandes peines et beaucoup de chagrins.
Encore une fois, priez le Seigneur qu'il nous récompense de nos maux en
son saint paradis, et nous ferons de même pour vous, si nous avons le bon-
 heur d'y habiter. »

   M. Chambeyron a bien raison de louer ces lignes attendrissantes, dattes sans
art, mais qui louchent plus vivement que les tirades compassées de tant d'histo-
riens modernes.
   A notre tour, nous louerons l'auteur d'avoir su jeter de l'intérêt sur un
sujet assez mince, et, en quelques pages d'un bon sens droit et infiniment
honnête, d'avoir ainsi retracé les humbles fastes d'une ville qui touche de
si près à la nôtre.
                                                               F.-Z. C.