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               LES CHAMBRES DE MERVEILLES                         561
et dans le triage des bons livres, que vous détrempez les amer-
tumes de votre charge, et qu'après vous être, dans le Palais,
lassé les yeux sur le rouge et sur le blanc, je veux dire le sang des
coupables et la blancheur de l'innocence, vous allez partir de là,
vous esgayer sur la verdure de l'histoire et dans le parterre des
louables curiositez. »
   Le cabinet de M. de Liergues était souvent visité par des étran-
gers de passage, et l'un d'eux lui a consacré quelques lignes,
même quelques vers, qu'on trouve dans le Nouveau recueil de
diverses poésies françoises composées par divers autheurs,
Paris, 1655, petit in-12; mais le nom de ce voyageur est demeuré
inconnu.
   M. Péricaud l^a recherché en vain. Voici ce qu'on lit dans ce
livre d'un inconnu. « Il me souviendra aussi des raretés ingé-
nieuses et savantes qui composent le cabinet d'un gentilhomme de
Lyon. J'en avois déjà vu plusieurs à Paris et dans les provinces,
mais je n'en avois point encore rencontré de pareil à celui-ci.
                 On n'y voit point de ces bijoux
                 Venus de terres étrangères,
                 Dont les cabinets ordinaires
                 Tirent du lustre parmi nous.
                 La Perse, le Japon, la Ghiue,
                 A sa beauté n'ont point de part.
                 Mais le seul tour et la machine
            Soit pour hausser les eaux ou forcer un rempart,
            Faire un pont ou réduire une place mutine
            Enchantent dans ce lieu l'esprit et le regard.

  « Et ce qui est plus glorieux pour le maître et singulier entre
toutes ces singularités
                C'est que tant de rares desseins
                Ne tirent leur noble origine
                Que de sa tête et de ses mains.

  « Il est l'inventeur de ces belles curiosités. Il n'y a pas de ma-
chines hydroliques ni de guerre dont il n'ait la connaissance et le
modèle en bois, en ivoire, en fer blanc ou en acier, et qu'il n'en ait
fabriqué toutes les pièces, jusqu'au moindre clou, sans avoir eu
d'autre maître que son génie. »