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312                 LA R E V U E    LYONNAISE
peuvent parfois devenir des pièges dangereux. Ne craignez pas
qu'elle sacrifie le devoir tout simple aux voies extraordinaires de
la dévotion. Chose admirable! cette imagination si vive, ce cœur
si ardent pour lequel le mysticisme le plus élevé n'avait point de
secrets, cachent la raison la plus solide, la connaissance la plus
délicate et la plus approfondie des infirmités humaines. Il semble
qu'il ait tout connu, tout éprouvé, qu'il ait senti par notre cœur et
 vécu de notre vie.
     Prêchait-il à tous le brusque renoncement à la vie mondaine et
la fuite nécessaire dans une maison religieuse ? Non, il sait que
les chrétiens peuvent produire des fruits spirituels, chacun selon
 sa qualité et dans sa condition ; en acceptant la direction des âmes,
 il les laisse dans le milieu où il les a trouvées, si ce milieu est
 honnête, sans faire effort pour les en retirer. SaPhilotée est avant
 tout une femme tendre et dévouée, une mère de famille, appliquée
 à faire régner la paix et l'ordre dans le ménage, qui évitera comme
 le plus grand des malheurs de rebuter par les exagérations de son
 zèle un mari, des enfants, des domestiques. Une lui recommandera
 point de se couvrir de bure, mais seulement, si elle est veuve,
  comme Mme de Chantai, de mettre à bas l'enseigne, c'est-à-
  dire de retrancher quelque chose de sa parure, dans le cas où elle
  n'a pas l'intention de se remarier ; il lui prescrira moins encore de
  se relever de suite pour aller prier dans un grenier ou de se cau-
  tériser le bras avec de la cire brûlante, comme le faisait la jeune
  Angélique Arnauld, dans ses juvéniles ardeurs d'ascétisme ; mais
  s'il y a à accomplir quelque devoir qui répugne à la nature,
  il lui ordonne de l'accepter aussitôt et sans hésitation. Peu lui
  importele moyen : ce qui est indispensable, c'est de renoncer à
  soi-même, c'est de forcer la cloison que la chair a mise entre l'âme
  et Dieu.
     Mais en cela même, pas d'excès inutiles, pas d'impatiences, pas
  d'ostentation, rien qui paraisse à la surface comme le bouillonnement
  d'un vin nouveau.
      A celles qui voulaient pratiquer des austérités afin d'acquérir de
  hautes vertus : « Ma fille, disait-il, ne vaudrait-il pas mienx ne
  pas prendre de si gros poissons et en prendre davantage !» Et à
  d'autres qui s'irritaient de ne pas arriver de suite à la perfection :