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          L E T T R E S INÉDITES DU COMTE DE CAVOUR                 29

 que jouerait la Finance dans les destinées de l'Italie, et il s'appli-
quait à bien connaître la nation dont il espérait l'appui. C'est
 ainsi qu'en 1852, après le coup d'État du 2 décembre, il vint à
 Paris, en apparence pour terminer un procès personnel, en
réalité pour étudier les éléments dont se composait le nouveau
gouvernement, le caractère du prince président, et les opinions
de son entourage. « Je me bornerai à vous dire, écrit-il que
je me suis convaincu de la stabilité du gouvernement actuel.
Napoléon est maître de la situation ; il le sera longtemps encore,
s'il ne se laisse pas emporter trop loin par le torrent réaction-
naire. Si, tout en gardant le pouvoir, il sait flatter les instincts
démocratiques des masses par des mesures populaires, il conser-
vera une force irrésistible.. . Pour mon compte, je ne pense pas que
Napoléon continue à céder, comme il le fait maintenant, devant les
prétentions du clergé. Suivant les traces de son oncle, après s'être
concilié les catholiques par des actes qui rappellent le concordat,
il ne tardera pas à publier des articles organiques pour arrêter les
empiétements de la cour de Rome. »
    Il écrivait encore : « Je profite de mon séjour ici pour faire
connaître aux hommes qui gouvernent le véritable état des choses
du Piémont... Le président nous a invités à dîner, Rattazzi et moi,
et nous a reçus plus tard en audience particulière. Dans ces deux
circonstances, il nous a traités avec une amabilité parfaite et nous
a parlé avec un grand sens des affaires d'Italie... Comme vous me
l'avez mandé bien des fois, c'est de la France surtout que dépendent
nos destinées. Bon gré, mal gré, nous devons être son partenaire
dans la grande partie qui tôt ou tard doit se jouer en Europe. »
    La correspondance de Cavour ne nous apprend rien de plus sur
les résultats de son voyage en France. Mais ses fréquents entretiens
avec le prince président, avec M. Fould, avec le prince Jérôme,
ne devaient pas être inutiles à l'Italie. Il est permis de penser que
Napoléon III s'était bien vite épris du caractère de Cavour, où se
mêlaient, heureusement alliées, la franchise et l'adresse, et où domi^
nait une certaine générosité tempérée par l'expérience des hommes.
D'autre part, il est intéressant de voir surgir dans l'esprit de Cavour
cette idée, idée de génie, que la France était l'alliée nécessaire de
l'Italie. Cette idée devait recevoir plus tard son premier dévelop-