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410 LA REVUE LYONNAISE ou la famille royale d'Angleterre, déjà maîtresse de fait d'une si grande partie de notre territoire, doit-elle ajouter à ses possessions la couronne qu'elle réclame au nom du droit des femmes? Si l'on admet la loi salique, si les Valois sont les souverains légitimes de la France, la race royale ne s'est-elle pas éteinte par la déloyauté de la reine? Charles VII lui-même a douté de son droit, et le secret que lui révèle la Pucelle, pour preuve de sa mission surnaturelle, c'est qu'il est « vrai fils de France » et qu'il peut, fort de son droit, défendre cette couronne qui lui appartient véritablement par droit d'héritage. Quand d'aussi cruelles incertitudes ont pu faire le tourment de l'esprit du roi, qu'y a-t-il d'étonnant qu'on ren- contre dans les rangs des ennemis de la France des hommes graves dont la présence semble consacrer la justice de la mauvaise cause? Le doute est d'ailleurs le fléau de ce siècle. Tandis que la France hésite sur le vrai roi, la chrétienté hésite sur le vrai pape. Le grand schisme d'Occident trouble toute l'Europe et enlève à la papauté la force morale dont elle aurait eu besoin pour intervenir dans ce grand débat de la guerre de Cent ans, et interposer sa média- tion dans cette lutte presque fratricide de deux nations chrétiennes. Le long séjour des Anglais sur notre territoire, le mélange fré- quent des deux aristocraties qui, au quatorzième et même au quinzième siècle, parlaient encore la même langue, la complication des liens de vasselage qui semblaient placer tant de Français entre deux devoirs, tout se réunit, en effet, pour donner à cette lutte le caractère d'une guerre civile. L'influence chrétienne ne peut en atténuer les désastres, tant que l'Église flotte à tous les vents comme un vaisseau sans pilote. Enfin quand la foi dynastique ébranlée se réveille, quand le sacre de Reims, résultat des victoires de la Pucelle, a démontré aux populations la légitimité de Charles VII, il reste à résoudre, au milieu de toutes les difficultés de la lutte contre les Anglais, le problème de l'organisation de cette royauté nouvelle qui se sub- stitue péniblement et au milieu de tant d'épreuves à la royauté féodale. Pauvre et contesté, le roi de Bourges a sans cesse besoin des subsides de celles de ses « bonnes villes » qui lui sont restées fidèles. Le pouvoir royal ne peut se passer du concours des divers ordres de l'État. Mais tout reste indécis, subordonné aux néces-