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                            CORRESPONDANCE                                             497
   J'ai remarqué dans nos journaux que, lors de l'Exposition universelle de
Philadelphie, ils ont reproduit un article ou le sens d'une feuille de cette ville
dans lequel on prévenait les exposants français qui s'amusaient à suivre les
Américaines qu'ils s'exposaient à recevoir des coups de revolver, s'ils conti-
nuaient ce jeu-là qui n'était pas toléré dans le pays. Vous "voyez donc, Monsieur,
toute la différence des usages des deux peuples. Les Français plus familiers ou
aimables, si l'on veut, n'ont pas la réserve et la retenue des Américains envers
 les femmes et surtout les filles.
    Là-bas, un jeune homme qui voudrait conter fleurette à une jeune personne
serait cité en justice et condamné à épouser où à payer mille, ou plusieurs
mille dollars d'indemnité. Vous comprenez que cela rende plus réservé avec les
 emmes qu'en France et plus respectueux. Les Américains, désireux de peupler
 leur immense territoire ont poussé de tout temps aux mariages. Maintenant, que
 les Américaines en France se -vantent de leur liberté, soit; mais je ne sais pas
 si elles n'y éprouvent jamais de désagre'ments, et ce qui me le fait croire, c'est
que lors de l'une de nos dernières Expositions universelles à Paris, j'ai remarqué
une assez jolie anecdote d'une jeune Américaine, qui, pour visiter l'Exposition à
son aise sans être suivie, avait demandé et obtenu d'être accompagnée moyennant
rétribution, par un Français correct, à condition qu'il ne se permettrait jamais de
lui adresser la parole !
  Je m'arrête pour ne pas être indiscret, car ce sujet comporterait bien des
développements, et j e vous prie, Monsieur, de recevoir l'assurance de toute ma
sympathie et considération la plus distinguée.
                                               B A R O N DE R O S T A I N G .
                                            Ancien officier supérieur de la marine,
       25 avril 1883.


    A la lettre, trop flatteuse pour moi, de M. le baron de Rostaing,
je n'ai qu'un mot à ajouter. C'est que je n'ai point inventé de toutes
pièces la jeune Américaine que j'ai mise en scène ; mais je l'ai, au
contraire, dépeinte d'après les romanciers américains contempo-
rains. J'aime beaucoup la vérité, bien que je ne sois pas natura-
liste. Et ne connaissant pas l'Amérique, j'ai cru ne pouvoir prendre
 de meilleurs guides que ces mêmes romanciers, tels que me les a
 fait connaître une excelle nie étude, publiée il y a peu de temps
 dans la Revue des Deux-Mondes^. C'est à l'abri de leur autorité
 que je me mets à couvert.
                                                   CHARLES            LAVENIR.


 1
   Les nouveaux romanciers américains par Th. Bentzon {Revue                    des   Deux-
Mondes, 1 " février, 1« mai 1883).