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FÉLIBRIGE 287
CHRONIQUE FÉLIBRÉENNE
Le mois dernier, quelques amis d'un de nos premiers maîtres ont reçu un
volume réunissant tous les mérites que l'on peut souhaiter dans un livre : beauté,
bonté et rareté. Ce livre (sllou Pan dou Pecat de Théodore Aubanel, imprimé
par les frères Hamelin, de Montpellier et portant au faux titre le nom de
l'heureux ami à qui l'exemplaire est destiné.
Nous venons de relire le Pain du péché, et (n'en déplaise à ceux qui ne sont
pas à même de l'admirer dans sa langue), un nom qui est immense au théâtre •vient
aussitôt sous notre plume. Il y a du sang de Shakespeare dans les veines de
l'auteur, mais un Shakespeare dont la sauvagerie a été calmée par la brise de la
mer latine et dont l'ivi esse est celle que donnent le romarin et la lavande sous le
soleil de la Provence.
— Enfin ! Roumanille, à l'heure qu'il est, se trouve on possession des premiers
exemplaires de Li piado de la Princesso par l'auteur des Parpaioun blu.
ARRI ! LEHGO D'OR.!... s'écrie, après Bellaud, Bonaparte : Wyse, dans une de
ces fins de strophes dont il a le secret, et cette belle parole pourrait servir de
suscription à toutes ses.œuvres. Un jour, ce noble Irlandais qui se souvient de
la Grèce et de la Méditerranée s'est laissé toucher par la fée Esterelle, et depuis
lors, comme Calendal, il ne vit que pour elle et recherche à travers monts et
vaux toutes li piado de la Princesso.
— M. Richaud, l'éditeur de Gap, poursuit la publication de ses Félibres et
vient de donner Jacinto Vendagner et Victor Balaguer. Disons, Ã propos de notre
majorai, que Balaguer a prononcé le,25 février à l'Académie espagnole son dis-
cours de réception auquel a répondu Émilio Gastelar; le sujet de ce discours était:
De l'influence qu'a eue la langue provençale sur la langue de Castille.
— M. Lombard va publier un Dictionnaire des rimes de la langue romane;
Astruc a mis en vente sa Marsiheso et Vidal distribue à ses amis sa traduction
de la Loi des Douze Tables.
— Les Fleurs fèlibréennes d'Hennion, traductions en vers français, sortent
du brochage, et nous allons les voir paraître avec le perce-neige.
Ce félibrige, parfois si dénigré par ceux qui ne le connaissent pas, fait pourtant
tache d'huile. M. Ernest Jullien, le collaborateur bien connu du bibliophile Jacob,
a exposé la marche et le développement de l'idée félibréenne devant ses collègues
de l'Académie de Reims.
Au nombre des auteurs et des ouvrages cités dans sa lecture, nous trouvons
Paul Mariéton avec sa Vénus de Milo,poésie inédite et son Bonaparts-Wyse ;
Charles Boy, avec la préface de sa traduction de Rubio y Ors; de Berlue
Perussis avec les nombreuses études qu'il a consacrées au félibrisme, et A. de
Gagnaud, avec sa charmante traduction en sonnets provençaux des sonnets de
Louise Labé.
La dernière cour d'amour de Montpellier avait couronné cette oeuvre, un
des hommage les plus curieux rendus à la mémoire de la Belle Gordière. Une
agréable surprise nous était réservée dans le tiré à p a r t : A.deGagnaud, qui est le
sonnettiste de toutes les ciselures et l'homme de toutes les délicatesses, ne pou-
vait pas, en s'occupant des sonnets de la charmante Lyonnaise, ne pas se souvenir
de Joséphin Soulary. La traduction se termine par celle du beau sonnet de
Soulary à Louise Labé... et nous terminerons, nous, par ces deux noms cette
trop rapide chronique. MONTDRAGON.
MARS 1883. — T. V. 19