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                                BIBLIOGRAPHIE                                         293
 dans cette voie funeset pour l'art national, une révolution du goût, aussi brusqué
 et plus féconde, parce qu'elle sera le retour à la vérité, que celle qui les y a poussés,
 viendra ssns doute les faire retourner sur leurs pas. Le public, non pas seule-
 ment celui que sa culture artistique éloigne déjà de l'impressionnisme, mais le
 gros public lui-même, plus accessible à ses trompe-l'oeil, le public entier,
 d'instinct, se lassera vite des productions d'une école dont la crudité des couleurs,
 la violence et la dissonnance des tons rappellent de trop près l'imagerie japo-
 naise, et qui par le lâché de son dessin et de son modelé nous ramènerait insen-
 siblement à la première enfance de l'art.*.
    Le choix même de ses sujets, fatalement restreint au cercle banal des occupa-
 tions quotidiennes et des représentations de la vie moderne, est un écueil suffisant
 pour la faire échouer ; car la réalité ne satisfait pas pleinement notre esprit.
 Lassé des tableaux de cabaret, de galetas, et du carrefour, le publie réclamera à
 la nouvelle école le spectacle toujours jeune de Nu éternel, les scènes grandioses
 de la religion, des mythologies antiques et de l'histoire des peuples; et la
 nouvelle école ne pourra pas les lui donner, déshabituée qu'elle sera des hautes
inspirations, et rivée à son art rapetissé et mesquin par le terre-à-terre de ses
 observations et de ses études.
    L'artiste, quel qu'il soit, que ce soit avec le pinceau, le ciseau, la lyre ou la
plume qu'il donne un corps au produit de sa pensée, quel que soit le sens qu'il
s'efforce d'ébranler en nous ou le sentiment qu'il cherche à éveiller dans notre
 âme, ne remplit sa haute et salutaire mission, que lorsque, suivant l'énergique
expression d'Alexandre Dumas, « il réalise l'idéal qu'il sent, et qu'il idéalise le
réel qu'il voit. » Le naturalisme ne voit et ne rend que le réel ; l'impressionnisme
va plus loin, et, dans le réel, par un vice inhérent à sa nature ou par une tendance
inconsciente, que rien n'explique mais que tous ses adeptes subissent, recherche
de parti pris le laid. Le naturalisme, sur l'arbre de l'art comme sur celui de
la littérature, est une poussée maladive et inféconde, vivifiée un jour par la sève
puissante du talent de ses initiateurs, mais que leur disparition fera dessécher,
et qu'emportera le premier orage.
    Ce sont ces craintes et ces espérances qu'exprime M. Henri Houssaye dans la
préface dont il a fait précéder ses comptes rendus des trois Salons de 1868,
1877 et 1882, réunis en un volume sous ce titre: Y Art français depuis dix ans.
    Nous ne voulons pas revenir sur ces études, accueillies d'abord par VArtiste et
la Revue des Deux-Mondes. Nous les avons l'élues avec plaisir, en y suivant à
chaque page, dans les oeuvres analysées, le développement et la confirmation de
la théorie spitualiste et idéaliste de l'art.
    Non, certes, quelles entraves qu'elle rencontre sur sou chemin et quelles erreuis
qu'elle ait à réfuter au passage, une École a n'a rien à envier au passé, rien à
craindre dans l'avenir, » comme le dit M. Houssaye, quand ses représentants
s'appellent Paul Dubois, Guillaume, Mereié, Chapu, Saint-Marccaux, Baudry,
Bonnat, Henner et Puvis de Chavaunes, et qu'en dix ans, entre] vingt Å“uvres de
première valeur, elle a produit le Tombeau de la Moricière, la Jeunesse, le
 Gloria victis, le Génie de la tombe, les Plafonds de l'Opéra, les Fresques du
Panthéon si au Musée d'Amiens,                                    G. SANLAVILLB.