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128                        LA REVUE LYONNAISE
la terre, comme une fumée dans l'enfer. Le jeune félibre du Lauraguais s'est
aventuré dans la voie militante de Figuerra, de Cardinal et de Bertrand de Born.
Il a inventé l'ode romane au dix-nèuvième siècle. » Il est certain que, depuis
Goudouli, nul n'a manié le toulousain avec tant d'art. Lisez plutôt dans la Lau -
seta ce magnifique carillon de rimes Al campanals de Sant-Miquèu             qui cache
une grande pensée et d'amers souvenirs. Dans les Armes de                Castelnaudari/,
 dans la Pierre de Mont fort, de la «luse Montfort», toujours le même sentiment.
On a le droit de le discuter, dans certaines limites, surtout dans les conclusions an-
ti-religieuses que notre poète et son groupe en ont parfois tirées, — on ne peut
méconnaître une réelle inspiration.
    La guerre de France, la dernière, a ses traces dans les chants de Fourès. A
 côté du Montfort prussien (toujours la croisade!) il faut citer le         Troumbetou,
 ode guerrière à grande allure, dont le rythme sonne la charge.
    Nous avons laissé voir que Fourès était, avant tout, 'un artiste, un ciseleur, un
 maître-ouvrier de rimes ; voici une grappe de poésies où il joint à la conception
 esthétique des Parnassiens (celle, du moins, qu'on leur voudrait toujours) une
 pensée plus rustique et plus large. Nous citerons te Mort de l'amour,          VAlbeto.
 les Grâces de Yisconti à Bordeaux et surtout ce charmant sonnet Al tustadou
 de VAmie german ' où l'orfèvre étale à plaisir le caprice de son imagination :
     « De sa gaine de fer où se tordent de belles feuilles, le dogue musculeux sort tout
  cncoléré. — Il vit! il vit! il fronce son nez, montre ses canines, il gronde ! il
  emplit la gentille maison de son cri terrible. » Un autre sonnet, l'Estatueto, qui
 relate poétiquement la découverte d'un petit dieu Terme : « Il semblait dire, tenez
  en bon ordre le champ fécond, » nous servira de transition pour arriver à la
  meilleure part de l'œuvre de Fourès, aux pages dictées par la contemplation de
  la nature méridionale.
    Il est le Félix Gras du Languedoc. Son intelligence si essentiellement
 artistique est peut-être moins ouverte aux choses de la nature, ses horizons
 ont un côté moins v a s t e , — et en cela il tiendrait aussi de la grâce cham-
 pêtre d'Achille Mir, son compatriote ; — il n'en est pas moins vrai que la nature
 lauraguaise n'a pas de miroir plus fidèle que l'oeuvre d'Auguste Fourès. Dans
 certaine pièce As nostris sabucs (à nos roseaux), par exemple, il fait pensera
 Théccrite, il est enchanteur et sorcier à la façon de Corot. Un peintre encore
 qu'il me rappelle, c'est Millet, dont il n'a point cependant la poésie vaporeuso
 et naïve. Lisez pourtant la Semenaire de Milh (la semeuse de maïs), cette belle
 fille du Lauraguais, qui songe à la récolte, « l'œil vif comme un charbon et 1 s
 deux mains plantées sur les hanches. »

             0 la pageso pensasivo — al colu pouderous, as peds mids,
             La belo droullasso qu'es divo — autant que Cibelo ou Venus.

   Quelle grandeur, quelle largeur de touche d a n s é e sennet :      Unparelhper
 vendemios (un couple de bœufs aux vendanges). Nous voudrions le citer ici. C'est
 tantôt un animal plein de songe, tantôt un arbre plein de rêve, comme dans son
 Noyer, qui arrête au passage ce poète, cet observateur. Il passe, il écoute, il re-
 garde, il surprend la chimère des animaux tranquilles. Peut-on mieux peindre


      i Au heurtoir de l'ami Germain, « un vaillant de la grande musique.' » .