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FÉLIBRIGE 577 définitive du gouvernement espagnol. La langue de Castille reconnaissant les droits de la langue de Catalogne, voilà un fait dont nul, il y a vingt ans, n'eût osé espérer la réalisation. Toujours est-il que Barcelone est revenue à son ancien parler, imposant sa littérature et jusqu'à son théâtre à la capitale elle-même. Le samedi 5 mai dernier, à neuf heures du soir, la municipalité de la ville (ayuntamento), présidée par l'alcade en personne, recevait dans la salle des Cent les invités de France et de Castille. Une foule immense envahissait, au bruit des airs nationaux, la place de la Constitution, magnifiquement éclairée, et de grands discours officiels étaient prononcés par Son Excellence D. Rius y Taulet au nom du gouvernement, Ch. de Tourtoulon au nom du félibrige français, et Mila y Fontanalz au nom des Catalans. — Le lendemain dimanche, avait lieu la séance solennelle des Jeux Floraux dans la grande salle de la Bourse, Lonja, qui, par ses larges colonnes, ses arceaux et son demi-jour, rappelle assez exactement la nef d'une église romane. Tout au fond, dominant l'estrade officielle, s'élevait le trône de la Reyna de la festa. Une proclamation castillane du gouverneur de la province ouvrit la séance. Un discours de M. Mila y Fontanalz, une magistrale improvisation de Luis Pons y Gallarza couronnant de lauriers le buste du roi don Juan, qui avait institué les jeux floraux, précédèrent le rapport de M. de Boffarull sur le concours litté- raire. Le grand prix est attribué à un jeune peintre poète Appelles Mestres, qui, sui- vant l'usage catalan, choisit la reine do la fête. Il désigna sa grand'mère qui, revêtue du costume national, prit place sur le trône. On fit alors une ovation enthousiaste au jeune et modeste poète de VAtlantide/,, l'abbé Jacinto Verdaguer, la plus illustre personnalité littéraire de Catalogne. On venait de couronner son Ode à Barcelone, et Y ayuntamento en avait décidé l'impression à 300.000 exemplaires pour les faire distribuer à chaque famille de la province. Et l'assemblée se sépara sur un magnifique discours catalan de don Victor Balaguer en faveur de l'union des peuples latins. Pour donner plus d'éclat à sa parole, il avait revêtu le costume officiel de ministre, témoignant ainsi de son désir de servir plus que jamais cette renaissance. On sait que l'Académie espagnole a reçu solennellement, cet hiver, l'illustre homme d'État, comme poète et auteur dramatique catalan. Elle a donné un bel exemple à l'Académie française qui répondrait aux vœux du pays le jour où elle compterait Mistral dans ce nombre de ses élus. Nous n'ajouterons rien sur les cinq jours de fêtes, solennités vraiment patrio- tiques, qui suivirent cette glorieuse journée tant à Barcelone qu'au Monserrat. Ce n'est qu'une constatation de l'intensité du mouvement néo-latin que nous tenons à présenter à nos lecteurs. La felibrée de Montpellier n'a pas eu ce caractère de manifestation nationale. Occasionnée par le quatrième-grand concours de la Société des langues romanes, elle ne pouvait ambitionner qu'une approbation scientifique déplus pour la renais- sance provençale. Le désir était pleinement réalisé par la présence des félibres Mistral, Aubanel, Roumanille, Fourès, Tavan, Félix Gras et de MM. Darmesteter, Mila y Fonta- nalz, Germain, de Hnstitut,et les adhésions de MM. Gaston Paris, Egger, Bréal, Monaci (de Rome), Bartsch, Windelin Foerster et Emile Lévy. Nous avons cité les plus grands noms de la philologie moderne.