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256 LA REVUE LYONNAISE communes, comme on en voit un exemple dans le Carlulaire des Francs-Fiefs (Cart. xxxvn), elle en concédait aussi à des parti- culiers (Ilrid. Cart. ix),' elle étendait ces libertés à leurs pro- priétés {Cart. LXXIV). Autorisés à posséder des fiefs, sans en supporter les charges écrasantes, les vilains continuaient à s'enri- chir, tandis que le malheureux gentilhomme, toujours à cheval pour le service du bien public, laissait ses biens péricliter entre les mains infidèles et rapaces de son homme taillable et corvéable. La petite noblesse ou, pour parler plus clairement, le soldat terri- torial s'appauvrissait, se ruinait à la défense du pays, pendant que le paysan, libre de tout devoir social et militaire, amassait de l'argent et achetait le modeste manoir, le dernier morceau de terre du gentilhomme revenant du champ de bataille, comme le plébéien, de l'ancienne Rome, criblé de dettes autant que de blessures. Telle était cette pauvre famille de Sénoches, dont la XXe charte du recueil de M. le comte de Gharpin, nous a conservé l'histoire lamentable, et qui, réduite à un jeune enfant sous la tutelle d'une vieille aïeule, était tombée dans une telle détresse, que personne ne voulait même prendre ses biens en gage pour satisfaire ses créanciers. Il fallut vendre et comme toujours, le bourgeois appa- raît ici, la bourse pleine, et devient acquéreur des biens du soldat ruiné. Rien qu'avec le cartulaire publié par M. de Charpin et les soixante-dix-neuf pièces de supplément dont il l'a augmenté, on pourrait écrire l'histoire de cette grande évolution sociale qui a enlevé à la puissance individuelle tout pouvoir politique, pour le livrer complètement à la tyrannie avilissante et aveugle de l'argent ; mettant ainsi en péril les principes de la société chrétienne et fai- sant reculer l'humanité jusqu'aux hontes et aux.abaissements de la civilisation romaine. On verrait le capital, né de la spéculation ou de l'exploitation d'autrui, foisonner entre les mains de gens qui, par leur origine première et d'après les idées généralement admises, devaient être écrasés sous le poids des exactions de leurs seigneurs. Ce n'étaient pas seulement les opulents citoyens de Lyon, toujours en insurrec- tion sous prétexte d'impôts exorbitants, qui savaient trouver dans leurs escarcelles, des sommes énormes, chaque fois qu'il y avait une