Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
536                  LA REVUE LYONNAISE
 délicat et sûr ! A la rigueur, on admet le saint Labre de M. La-
payre. On lui en veut peut-être de certaines faiblesses dans l'exé-
cution. Du moins, il se relève à nos yeux par la ferveur qui
l'anime ; on se sent saisi de respect pour l'expression de piété
ardente qui creuse et pétrit son visage. Sa maigreur se dissimule
sous les plis épais de sa robe, et la nahretè de sa foi a quelque
chose de touchant et d'ému qui l'excuse. Passe aussi pour l'Aban-
donnée, de M. Peynot, qui a le tort aussi d'appartenir à la
peinture beaucoup plus qu'à la sculpture, mais qui rachète tout
cela par bien des qualités. Il y a dans l'agonie de cette pauvre
femme râlant dans le désert, au pied d'un arbre que la chaleur a
consumé, dans les traits de ce visage que la mort altère et déforme
déjà, il y a, jusque dans le geste de cet enfant, qui, dévoré par la
soif, se cramponne avec désespoir au sein tari de sa mère, une
émotion poignante et vraie qui, même en sculpture, est tout à fait
communicative.
    Mais quel intérêt voulez-vous que l'on prenne au spectacle répu-
gnant que M. Boucher nous inflige pour la seconde fois depuis
 deux ans. Faut-il décrire le crâne chauve, le front stupide, les
membres décharnés, l'échiné noueuse comme une chaîne de mon-
tagnes, de cet inconcevable vieillard qui tette avec une avidité
bestiale le sein trop complaisant de sa grande fille ? M. Boucher
appelle cela Y Amour filial. Soit, mais on ne peut s'empêcher de
trouver que si l'amour filial est une belle chose, son groupe est de
bien vilaine sculpture, et que son talent de praticien ne le justi-
fie pas d'une conception pareille.
   S'intéresse-t-on davantage au Dèmocrite de M. Etcheto, au
Diogène de M. Marioton? Ce sont là deux horribles cacochymes
indignes de l'attention d'un statuaire. Sans doute on peut les affu-
bler de deux noms historiques. Mais pourquoi ? A quoi bon ? Croit-
on les sauver par ce baptême?
   Reste à parler du Marat de M. Baffier, pour en finir a v e c ,
toutes ces horreurs. Il va sans dire qu'il était difficile de présenter
Marat dans sa baignoire, cet ustensile domestique n'ayant rien de
sculptural. M. Baffier s'en est donc complètement débarrassé. Il
a installé son personnage sur une misérable paillasse ; il lui a mis
la poitrine à nu, lui a jeté sur les jambes les plis épais d'une cou-