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384 LA R E V U E L Y O N N A I S E son recueil — lasMouscKasd'or—-etamélioré saforme, sera couronné au concours de Béziers pour ma Sumina, une merveille de grâce et de naturel. On entrevoit déjà le maître. Les félibres, Roumanille, Aubanel, Félix Gras, Berlue, Arnavielle, se pressent autour de lui. Ces encouragements soutiennent sa solitude, illuminent son avenir. En un point seulement, Joseph Roux fait opposition. 11 a lu les t r o u - badours, leur orthographe l'a séduit, et les réformes félibréennes le trouvent'in- traitable 1 . Cependant une seconde partie, la plus remarquable, à notre sens, augmente de jour en jour las Mouschas d'or. Aux Souns et sounets, se sont ajouté des fables. Le volume, aujourd'hui complet, Cinc pougnadas de fablas lemou- zinns (1874-1882) (Parladura tulenca) n'est pas une des moindres beautés de l'œuvre du poète. Cette série de petits tableaux champêtres fourmille en obser- vations, en traits, en descriptions de la vie rurale que seul, peut-être, entre les fabulistes modernes, Joseph Roux pouvait nous donner. Et dans cette atmosphère de vérité, de nature, que d'observations morales! Il y a là un certain Rossigrio aveugle, récit profondément ému, qui est tout à fait de grand style, à côté d'a- necdotes piquantes, comme la Veuve, la Pie et la Chambrière, de grandes consi- dérations comme dans le Malheureux, ou d'horizons champêtres pleins de saveur et de grâce dans le goût du Petit Levraut. Mais nous avons hâte d'en venir à la majeure partie de cette œuvre, à cette Chanson que nous annoncions au début comme l'exploit du vaillant troubadour, * Vers 1876, JosephRoux, hanté par les vieilles légendes de son bas Limousin, conçut vaguement le projet de consacrer une série de poèmes aux pages glorieuses du pays natal. C'est dans cette pensée qu'il mit en œuvre l'épisode de Gondoval — ce guerrier qui expire après avoir profané la coupe où Notre-Seigneur célébra la dernière cène, —tout entier contenu en onze couplets monorimes de six à neuf vers. Ce n'était ni plus ni moins qu'une petite chanson de geste. Spontanément publié pas la Revue des langues romanes, ce poème commençait à peine à attirer l'attention de la critique sur le nouveau genre et le nouveau poète, qu'il était déjà suivi d'un épisode identique de forme et pris comme lui dans les annales limousines, Goulfiers de Lastours. C'était l'histoire d'un chevalier, parti pour la croisade, qui, pour avoir sauvé un lion des étreintes d'un serpent, s'attacha le r e - connaissant animal au point d'en faire son compagnon d'armes... Ils vécurent ainsi longtemps. Un jour cependant,l'expédition touche à sa fin. « Jérusalem prise d'assaut aura donné suffisamment de mal... Goulfiers se met en route, il emmène avec lui son lion... Un navire en partance, au pavillon de Gênes, dans le port de Jaffa se balance: j Passez-nous l'un et l'autre ; pour votre récompense, j e . . . — Vous, soitl montez; lui, non 1 » Goulfiers supplie: c'est en vain. On est déjà parti, et le lion, jusqu'à la mort fidèle, se noie dans le sillage du vaisseau. 1 Voici notre jugement, les philologues entendus, sur la langue et l'ortographe'de l'abbé Roux. Sa langue est très belle et très pure, peut-être cependant l'archaïse-t-il un peu. Tout le Midi néanmoins la comprend. Elle n'a qu'un défaut, qui est parfois une entrave aux lecteurs, celui d'être ortographiée comme au treizième siècle. Il fal- lait prendre un moyen terme : conserveries a toniques et adopter les o muets. Pour ce qui est des infinitifs en ar, nous respectons les loyaux préjugés du félibre limousin.