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                                 JOSEPH ROUX                                        385
   Joseph Roux est déjà un épique très p u r ; il a trouvé sa véritable voie. Dès
Oondoval, on l'a salué grand poète. Son monorime est magistralement approprié
au récit. La pensée constamment élevée y semble enchâssée dans l'ivoire. —Mais,
nous demandera-t-on, quel est le prototype de ces poèmes? lequel des troubadours
imite ce chanteur? Tous etaucun, répondrons-nous. Ce sont, à vrai dire, de petites
gestes, différant en un point seulement des anciennes. Le premier caractère de
l'épopée médiévale était la légende. Elle convenait ainsi au tempérament de l'épo-
que. Joseph Roux, lui, ne chante que l'histoire, et, loin de la défigurer par des écarts
d'imagination, il la transfigure sous la magie du style. L'Epopée limousine se
compose aujourd'hui de vingt-quatre de ces chansons de geste : autant de fresques
glorieuses sur l'histoire du Limousin. Ou ne voudra plus lire ailleurs ces héroï-
que» annales. Elles sont presque toutes là. Essayons pourtant, avant de les
énumérer, de rattacher à un genre connu ces vingt-quatre petits poèmes qui
tiennent àla fois du chantet de la narration, épo-lyriques, diraient les Allemands.
    On sait que l'épopée française a son germe dans les cantilènes carolingiennes
des neuvième et dixième siècles. Certaines de ces compositions aboutirent, au
commencement du onzième siècle, par une augmentation progressive, à une sorte
de petite chanson de geste telle que la Chanson de saint Alexis. Ce dernier
document, le seul que nous puissions absolument comparer aux poèmes de
J. R o u x ' , est, suivant M. Léon Gautier, « le type d'une grande vie de saint en
vers et qui est aux cantilènes religieuses ce que la Chanson de Roland est
aux cantilènes militaires, » c'est-à-dire, en généralisant, la transition de la
cantilène à l'épopée.
    Mais ne nous attardons pas aux rapprochements inutiles : voici, par rang de
date, les chansons de Joseph Roux :
   70, Sent Marsal à Tul'j. — 441, Cesaren. —• 515, Sent Duminh. — 584,
Gondoval. — 760, Gaifre d'Aquitanha.—             798, Sent Angial. —• 812, Char-
lemanha.—1099,           Goulfiers de Lastours. — 1150, Sent Estèoe       d'Obazina.
— 1168, La Batalha de Malamor.t. —-1198, Bertrans de Born. —1195, Bernât
de Vantadourn.         — 1250, Amanieu.      —• 1314, Loti Toumbel de Clemens V.
— 1330, Peire Rogier,—1420,           Lou Mounge d'En Glandier. — 1428, Fraiie
Segui. — 1565, Amblarlou          Ménestrel. — 1524, Jan Baluza. —'1745, La Mar-
quera de Pompadourn.            — 1789, Filhoias. — 1838, Mounsenhor     Boiia. —.
1845, Margareta Chaslan. — 1852, Jean de la Peïrouna.
    L'Épopée limousine, on le voit, est une sorte de Panthéon historique édifié par
J . Roux à la gloire de son pays. C'est à dessein que nous avons employé le mot
de fresques pour caractériser ces poèmes. Ce n'est généralement qu'un tableau,
l'épisode saillant d'une vie, que le poète met en œuvre. Le Sent Marsal à
 Tula est un début splendide à la Chanson, comme une invocation naturelle :

             Ieu te vole chantar, Tula, quar ses ma maire !

  L'apôtre Martial arrive à Tulle, son bâton de route à la main. Un jeune
païen, André', le fiancé de Flore, fille de Nerva, expire à ce moment. Douleui
d'Arnol, son père. La fiancée au désespoir se précipite du haut d'un rocher. Arnol
supplie le saint de lui rendre son fils; à ce seul prix il se convertira. Martial

   1
    En exceptant peut-être les chansons qui rentreraient dans la catégorie de la Vie de
Saint-Léger   (V. Epope'es françaises, t. I).