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EN TRAIN RAPIDE : 359 grandeurs des petits théâtres, goûts fort différents, comme on voit, mais qu'il mariait fort bien ensemble. « Dijon ! cinq minutes d'arrêt !... » Cependant que je trace le portrait très ressemblant de M. Christian de Fresnes, le train a dévoré l'espace, les dernières lueurs du crépuscule se sont depuis longtemps éteintes, la nuit est tombée, nuit d'été lumineuse et pailletée d'étoiles. « Dijon!,.. Cinq minutes d'arrêt! » Le gros monsieur s'éveille en sursaut, tout effaré, marmotte quelques paroles inintelligibles, ramasse en hâte ses colis, écrase les pieds de Christian et se précipite vers la sortie. Le train va repartir, les employés courent, pressant les retarda- taires, fermant avec bruit les portières : Christian, ravi d'être délivré de son compagnon, tire de l'étui un concha merveilleu- sement doré. Le chef de gare donne le signal ; quand brusquement le compartiment dont notre héros se croyait désormais unique et paisible possesseur s'ouvre, et une jeune femme gravit lestement le marchepied. Un imperceptible mouvement d'hésitation l'arrêta sur le seuil, quand elle vit qu'elle était condamnée au tête-à -tête. Ce fut l'affaire d'une seconde. Au reste, il eût été trop tard pour choisir ailleurs : le train était en route. C'est chose désagréable de jeter un excellent cigare que l'on vient d'allumer, mais c'est une bonne fortune qu'on n'a point tous les jours de voyager en compagnie d'une jeune et jolie femme. Aussi le mouvement d'humeur qui avait échappé à Christian en présence de cette invasion inattendue fut-il bien vite réprimé, et la sérénité reparut sur son front. Il quitta la position négligée dans laquelle l'avait surpris la brusque entrée de la jeune femme. Déjà le désir de plaire à la nouvelle venue lui trottait dans l'esprit : il n'eut dès lors qu'une idée, entrer en conversation avec elle. La voyageuse s'était assise dans l'angle opposé à celui qu'occu- pait Christian. Comme elle avait relevé sa voilette et entr'ouvert le vaste cache-poussière qui l'enveloppait, celui-ci la put envisager tout à son aise. Elle portait un costume de drap léger écossais : le corsage bleu, très ajusté, aux basques courtes, faisait ressortir à merveille la sveltesse de sa taille. Une large ceinture en faille le retenait avec une boucle. Elle était blonde et néanmoins avait de