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EN TRAIN RAPIDE Lorsque Christian de Fresnes se fut installé dans un comparti- ment du train rapide qui devait le transportera Lyon, un sourire de profonde béatitude et de soulagement se dessina sur son visage. Il se frotta joyeusement les mains, aspira l'air longuement comme un prisonnier qui sort de son cachot. Tout en lui respirait une satisfaction intime. Le sifflet de la locomotive déchira les airs, le train s'ébranla et se mit à rouler lentement d'abord et par sac- cades, puis avec une vitesse rapidement accélérée, enveloppé dans des nuages floconneux de fumée, pareils à la buée qui s'échappe des naseaux d'un cheval ardent. On était au mois de juin, une saison où les trains qui se dirigent vers le Midi sont généralement peu remplis. Aussi Christian n'avait qu'un seul compagnon de route, un gros monsieur qui ne tarda pas à s'endormir. Le train filait rapidement. on eût dit qu'un génie ailé, sem- blable à ceux de l'Arioste, l'entraînait dans sa course échevelée. Les villes et les villages se succédaient et disparaissaient sans qu'on eût presque le temps de les apercevoir. Le soleil commen- çait à s'incliner vers l'horizon et empourprait le ciel de vives rougeurs. Les teintes s'adoucissaient, se fondaient, devenaient plus tendres, et tout là -haut, quelques petits nuages pommelés, couraient dans l'azur, faisant songer à une troupe de coursiers fantastiques aux crinières dorées, aux croupes étincelantes. Christian, la tête à la portière, contemplait ce spectacle toujours nouveau, de la chute du jour ; il aspirait avec délices l'odeur qui