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316                  LA REVUE          LYONNAISE
toute la doctrine de ces sévères directeurs, toutes les prescriptions
kippocratiques de ces médecins des âmes ! Mais où sont donc les
austérités, les mortifications, les pénitences, les sacrifices? Où
sont ces saintes violences qui, d'après l'Ecriture, peuvent seules
conquérir le ciel? J'ai tout à l'heure ouvert saint François de Sales
et ses émules, mais je ne les ai pas fermés. Je n'ai pas tout dit:
de leurs écrits, j'ai réservé jusqu'à ce moment la substance, la
 moelle, et- je l'indique d'un mot, non comme un prédicateur, mais
 comme un historien fidèle, qui peut attester que ce mot a fait for-
 tune au dix-septième siècle et que la chose y a été sérieusement,
 fréquemment pratiquée. D'après eux, il n'y a pas de vie intérieure
 efficace sans le renoncement complet à soi-même. Ah ! modérer ses
 désirs, abaisser ses horizons, quand on n'aspire qu'à tout posséder
 et à tout connaître, voilà déjà une vertu difficile pour les grandes
 âmes et peut-être non moins difficile pour les médiocres ou les
  petites, parce que, toutes bornées qu'elles sont, elles apportent
  autant de fougue que les grandes à la satisfaction de leurs convoi-
  tises. Toute la différence entre elles consiste en ce que les unes
  convoitent de grandes choses et les autres de petites. Mais renoncer
  à toute sa volonté, faire complète abstraction de son être, de son
  amour-propre, de ses goûts, 'de ses penchants, de son moi tout
  entier, s'oublier et s'anéantir soi-même pour se perdre dans un
  objet unique, parce qu'il est éternel,

             Ne. nous chercher en rien alors que tout nous quitte,
             Ne vouloir rien qui plaise alors que touf déplaît,
             N'envoyer ni désirs vers le propre intérêt,
             Ni regards échappés vers le propre mérite,

 comme le disait Corneille dans des vers bien peu connus, mais qui
 sont dignes de l'auteur de Polyeucte, ah ! que l'effort est surhu-
 main et que la pratique en a toujours été rare ! Aussi rare que les
 saints qui lui ont dû leur auréole, et à qui nous n'aurions pas élevé
 des autels, si nous ne les avions par là jugés, en quelque sorte, au-
 dessus de l'humanité. Elle fut pourtant fréquente et presque com-
 mune au dix-septième siècle, qui ne l'a pas, sans doute, toujours
 réalisée, mais qui, du moins, a eu le mérite d'y tendre et de la
 rechercher, jusqu'au milieu du monde, jusquedans les conditionsqui




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