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LA VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I È M E SIÈCLE 317
semblaient les moins propres au développement et à la fructification
de la vie spirituelle, et il ne me reste plus qu'Ã citer quelques
noms au hasard, afin de donner quelques exemples.
Je pourrais les prendre d'abord dans les monastères qui, sous
la discipline des grands directeurs que j'ai nommés, n'ont peut-
être jamais été pénétrés davantage de la vie intérieure. Mais
si riche que puisse être cette moisson, elle frapperait peu, parce
que la première condition de l'existence monastique régulière
est le détachement du monde. Je pourrais aussi aisément les choisir
dans l'enceinte ou aux environs de Port-Royal, autour duquel se
noua comme une verte ceinture de retraites, d'ermitages et de
couvents laïques. Rappelons-nous la mère Angélique Arnault,
M. de Saint-Cyran, M. du Guet, M. Le Maître, qui se détruisit par
ses austérités, M. de Pontchà teau, qui se tua à force de trop jeûner,
le doux Lancelot, qui ne se permit jamais de cultiver un autre
jardin que celui des racines grecques, et M. Hamon, ce médecin
qui ne consentait à aller voir ses malades, entre messe et vêpres,
qu'en fixant une Bible, pour la lire en route, sur un pupitre assu-
jetti à la selle de son âne. Mais Port -Royal n'est pas seulement
suspect à notre délicatesse moderne par ses austérités antiques ;
il l'est encore plus par sa doctrine, et, si ses habitants., ont su re-
noncer au faste dumonde, ils n'ont pas su renoncer — ce qui était
peut-être moins facile — à la vanité de leur intelligence et de leur
opinion. « C'est cela qui gâte tout d'avoir de trop grands esprits, »
disait l'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, aux filles de
la mère Angélique.
Je ne vais pas même chercher mes exemples dans cette bour-
geoisie parlementaire qui cachait tant de vertus chrétiennes et
civiles sous les dehors un peu empesés de sa robe, dans cette bour-
geoisie dont un foyer modeste, une frugalité sobre, une tapisserie
de serge, où l'on clouait parfois un portrait d'ancêtre, un rayon où
les pères de l'Eglise côtoyaient Cujas, étaient l'idéal de la retraite
domestique. Je les prends aux sommets sociaux, Ã la cour, dans
tout ce que le monde a connu de plus somptueux, de plus raffiné,
de plus élégant ; et ici, on le comprend, je ne puis raconter
les vies, pénétrer dans le secret des consciences qui échappent Ã
l'historien, surprendre les miracles dé détachement et; d'humilité