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       LA VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I È M E SIÈCLE   315
   La femme chrétienne, la femme mariée le servira donc excel-
lemment, si on la trouve en toutes circonstance, j'emprunte les
expressions même de l'évêque de Genève, « soigneuse de ses biens,
douce aux affaires, cordiale, sincère en affections, franche et
condescendante. »
   Voulez-vous me permettre, pour nous reposer un peu, de
descendre un instant des hauteurs de la spiritualité et de vous citer
une légende ou plutôt un conte populaire recueilli non loin de la
Suisse, dans le Tyrol, et qui, sous sa forme naïve, peut-être un
peu malicieuse, semble un écho affaibli et lointain de la doctrine
de saint François de Sales? Saint Pierre, dit ce conte, avait deux
sœurs, une grande et une petite. La petite entra au couvent et se
fît religieuse. Saint Pierre en fut ravi et tenta de persuader à
l'aînée d'imiter la cadette. Mais elle lui répondit : « J'aime mieux
me marier. » Après son martyre, on sait que saint Pierre fut
commis à la garde de la porte céleste. Un jour, Dieu lui dit :
« Pierre, va ouvrir la porte du ciel toute grande, car il va nous
venir une âme bien méritante. » Saint Pierre obéit joyeusement,
car il pensait en lui-même à sa petite sœur et se disait : « C'est
pour elle. » L'âme arriva, mais c'était l'âme de sa grande sœur,
qui avait laissé sur la terre de nombreux enfants au désespoir.
Dieu lui donna la place d'honneur au grand étonnement de saint
Pierre qui se dit : « Qu'est-ce qu'on fera donc pour l'âme de ma
petite sœur ? » Quelque temps après, Dieu l'appela de nouveau :
« Pierre, ouvre la porte du ciel, mais un tout, un tout petit peu,
tu m'entends? » Pierre obéit, en se demandant : « Qui va venir
aujourd'hui ? » Alors arriva l'âme de sa petite sœur, qui eut de la
peine à passer par la porte entr'ouverte, et fut placée au-dessous
de sa sœur aînée. Saint Pierre demeura d'abord stupéfait ; puis il
réfléchit: « Il est arrivé, dit-il, le contraire de ce que je me figurais.
Je vois à présent que chaque état a ses mérites et que tout le monde
peut entrer au ciel : il ne faut que le vouloir. »
   Je ne vous propose pas d'accepter ce récit comme parole
d'Evangile, mais saint François de Sales, qui se plaisait d'ailleurs
aux images et aux pieuses légendes, n'en eût pas, je suis sûr,
repoussé la conclusion.
   Eh! quoi ! dira-t-on, il n'en fallait pas davantage, et c'était lÃ