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314 LA REVUE LYONNAISE lle Feuillade, M de Roannez, la sœur de l'ami de Pascal : « On ne passe point de la force humaine à la force chrétienne sans un milieu. » . C'est à cemilieu quevise d'abordl'évèque de Genève avant d'abor- der les hautes voies de la perfection, et, pour l'atteindre, il éloigne la tristesse, il entend que la piété soit douce et souriante. « Donc aimait-il à dire, puisque nous sommes enfants, faisons nos enfances, tout en nous souvenant de la maison du père. » — « Teniez votre cœur au large, écrit-il dès le premier jour à Mme de Chantai.... vivez joyeuse et généreuse. Dieu que nous aimons et à qui nous sommes voués, nous veut en cette sorte-là ... Comme un rossignol dans les buissons, chantez, ma fille ; croyez- moi, jamais les Israélites ne purent chanter en Babylone, parce qu'ils pensaient à leur pays, et moi je voudrais que nous chan- tassions partout ». À ses yeux, la mortification des sens est excel- lente, mais elle ne doit être ni téméraire, ni exagérée, car elle est bien au-dessus de la mortification du cœur. « Dormez bien, petit à petit vous reviendrez aux six heures, puisque vous le désirez, écrit-il aune de ses filles spirituelles, car manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d'esprit et refuser le dormir au corps, c'est vouloir tirer beaucoup d'un cheval qui s'est efflanqué et sans le faire repaître. » Il n'a pas un moindre souci de régler la vie extérieure et d'insis- ter sur les obligations qu'elle impose. S'il permet quelquefois aux dames d'Annecy d'assister au bal, bien, dit-il, que les danses soient comme les champignons, dont les meilleurs ne valent rien, et, s'il le leur permet, « parce qu'on peut manger des champignons, quand ils sont bien apprêtés, et qu'on peut accommoder sa danse de mo- destie, de dignité et de bonne intention, » il n'hésite pas à déclarer que la place d'une mère de famille est à la maison. «Qu'unepersonne fasse miracle, écrit-il, étant en état de mariage, et qu'elle ne se soucie point de ses enfants, elle est pire qu'infidèle, selon le mot de saint Paul. » Nul n'a le droit, sous prétexte de piété, de négliger les devoirs de sa profession. La vie contemplative est bonne, mais non au détriment de l'obéissance. Ce n'est pas à nous de choisir à notre volonté. Si Dieu veut qu'on le serve d'une façon, nous ne pouvons le servir d'une autre.