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304                  LA R E V U E LYONNAISE

tout à fait sortis de nos mémoires, et l'on peut encore garder
quelque souvenir de l'étonnement de la Ville éternelle, lorsqu'à la
voix d'un prêtre dalmate, elle vit les héritières des Camille et des
Metellus sacrifier leurs trésors, leur jeunesse et leur beauté pour
se consacrer au soulagement des pauvres, et une descendante des
Scipions échanger l'or de ses palais contre une cabane de la Judée.
Ce fut là, peut-être, le plus beau triomphe du Christianisme : les
païens s'indignèrent, l'Eglise tressaillit et le vieux monde put
croire que Dieu ne l'avait pas encore condamné, puisqu'il faisait
éclore en son sein tant de grâces et tant de vertus.
   Eh bien ! ce que vit alors le quatrième siècle, un temps plus
rapproché de nous l'a vu également et peut-être sur une échelle
plus vaste. Les sacrifices, les immolations héroïques qui se ren-
contrèrent alors dans la société romaine, la société française les a
aussi connues, je dirais presque de nos jours, car deux siècles
nous en séparent à peine, et elle les a accomplis dans le monde
même, sans se soustraire à aucune de ses obligations, parfois
tyranniques, sans renier aucun de ses devoirs. Je ne parle pas de
ces éclatantes conversions et de ces retraites imprévues qui, comme
celles de Rancé et de La Vallière, vinrent retentir à l'égal d'un
coup de tonnerre au milieu de la Cour de Louis XIV; je ne parle
ni des vocations religieuses, ni de la vie monastique ; je veux seu-
lement parler, en laïque et en profane, de la vie intérieure que les
chrétiens — non pas tous, mais certains chrétiens, — menaient au
dix-septième siècle sans rompre avec le monde, et de la direction
spirituelle qu'ils avaient adoptée. Ceci est purement de l'histoire,
 de l'histoire intime, il est vrai, et par là même fort ignorée ; c'est
 ce qui m'a enhardi à tenter de la faire un peu connaître, sans
 usurper sur le domaine du sermon.
    Le mot de direction, de vie spirituelle nous est aujourd'hui
 étranger; il frappe nos oreilles comme un son nouveau, inconnu.
 Quel est l'homme ou la femme du monde qui en pénètre le véri-
 table sens, l'exacte application? On sait que la pénitence est
 un devoir imposé au chrétien par sa foi, accepté par sa conscience,
justifié par sa raison ; malgré toutes les révoltes de l'orgueil, nous
 nous y soumettons parce que nous savons que sans elle il n'existe
 pas de salut. Mais prévenir ce que ce remède divin a pour mission