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302                          LA R E V U E LYONNAISE

grand nombre de pièces pour piano ; mais le morceau qui a produit le plus
d'impression a été la fantaisie de Listz sur des Thèmes hongrois. Il est rare de
trouver un concerto où l'orchestre soit lié d'une manière si intime et si parfaite
avec l'instrument principal; et M. Ritter a fait admirablement ressortir la noble
et sauvage énergie de ces chants nationaux.
   Pour le reste de son concert, M. Luigini avait tiré le meilleur parti des élé-
ments qu'il avait sous la main; mais la plus jolie fille du monde ne peut donner'
que ce qu'elle a, et l'absence d'artistes d'opéras a privé la réunion d'une de ses
plus vives attractions.
   La semaine précédente, la Sainte Cécile nous conviait à l'audition de la Vierge,
 de Massenet. Depuis quelque temps, les jeunes compositeurs semblent éprouver
une singulière prédilection pour les sujets bibliques. Nous n'y trouverions rien
à redire, si M. Massenet et ses amis ne nous fatiguaient par la fatuité avec
laquelle ils prétendent que leur, musique est toujours intimement liée au sens
des paroles, et absolument conforme au caractère des personnages.
   On voit, en effet, beaucoup de personnes qui se laissent volontiers prendre à
de puérils artifices d'instrumentation. Pour celles-là, il suffira de remplacer
l'orchestre par un orgue, pour donner à une mélodie banale un caractère reli-
gieux. Mais les critiques qui voudront regarder le fond des choses, trouveront
que la musique de la Vierge n'a rien de plus biblique que celle de beaucoup
d'opéras: que les grondements de l'orchestre pendant la Marche du Calvaire,
ne. seraient, pas déplacés dans une scène d'émeute, ou un orage quelconque ; que
les chœurs d'enfants remplaceraient assez bien ceux du sacre du Prophète, et
que M. Massenet.pourra utiliser sans difficulté la musique et même les paroles
des Noces de Cana pour une orgie ou une bacchanale tout à fait sardanapalesque.
   Ces critiques sur le fond même de l'ouvrage de M. Massenet ne nous empê-
cheront pas d'admirer sans réserve plusieurs parties de la Vierge, telles que le
prélude, le dernier sommeil, etc., etc.
   Nous applaudirons également à l'interprétation qui témoigne des progrès de la
jeune Société, et du zèle intelligent de son habile directeur, M. Reuchsel.
   On a repris aux Célestins la Grande Duchesse, cette vieille opérette qui a servi
de modèle à tant de productions de ce genre. Il n'était pas sans intérêt de voir
quel accueil ferait à la partition d'Offenbach, ce même public qui avait paru
prendre un vif plaisir à la Mascotte et au Jour et la Nuit. Quelques spectateurs
ont trouvé le livret singulièrement démodé et la musique trop décousue. D'autres,
plus indulgents, ont vite pris leur parti des insanités du général Boum, et ont
presque ri des facéties franchement idiotes d'une bouffonnerie sans prétention.
Nous sommes de ce nombre, et nous croyons que l'opérette actuelle, genre
hybride tenant du vaudeville et de l'opéra-comique, pour être aussi bête que
l'ancien opéra-bouffe, est encore moins amusante.
   La Société des Concerts classiques continue ses séances toujours fort suivies.
Dimanche dernier, c'étaient Haydn, le père du quator, Brahms et Mendelssohn,
qui figuraient sur le programme. Prochainement, il y aura une matinée réservée
exclusivement aux jeunes; cette séance sera certainement des plus intéressantes.


                                                        L'administrateur-gérant      :
                                                                   F. PITRAT.



                 LVO.\. — I M 1 T . I M E R I E   TITRAT AISÉ,   RUE   GEKTIÎ   4.