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240 LA. R E V U E LYONNAISE Le « Salon» de cette année est certainement plus remarquable que les deux précédents. En outre de bons paysages, de portraits satisfaisants, la peinture de genre a inspiré des œuvres excellentes, pleines de finesse, d'esprit et d'émotion. J'ajoute que la nouvelle salle mise à la disposition des exposants est bien éclairée, bien aménagée; je regrette seulement que la couleur dont les murs sont empreints ne soit ni assez chaude ni assez nette. C'est dans cette salle que je vais promener mes lecteurs, en m'ar- rêtant seulement devant les toiles principales. Nécessairement j'en oublierai, et dé celles qui ne sont pas sans mérite. Mais je dois me borner, au risque d'être incomplet et par conséquent injuste. M. Tollet a l'audace, l'inexpérience et les qualités de la jeu- nesse. Il fallait une certaine hardiesse pour s'essayer à une œuvre aussi considérable. En pleine orgie, un jeune débauché contemple avec ivresse la coupe que, dans un mouvement de co- quetterie lascive une courtisane à demi nue éloigne de ses lèvres. Au fond de la salle, l'ange de la mort apparaît et vient troubler ce tête-à -tête amoureux assez décolleté, mais suffisamment chaste. Ou dirait le festin de don Juan et la statue du Commandeur, ou mieux encore, M. le commissaire des pompes funèbres venant dire aux parents éplorés : Messieurs de la famille, quand il vous fera plai- sir... La tête de l'amoureux est joliment peinte et d'une expres- sion excellente. Mais quelle jambe droite! L'hétaïre est d'une fac- ture absolument insuffisante. L'ange de la mort est déplorable. Les couleurs sont plutôt juxtaposées que fondues. En un mot, M. Tollet mérite des encouragements que lui valent sa jeunesse et les promesses d'un talent incontestable, sur lequel le cabanelismc a déjà pris trop d'influence. Il faudrait à M. Tollet des maîtres comme M. James Bertrand, dont la Mignon est un des bijoux du Salon. Cette Mignon est un petit Chaperon rouge à croquer, si on était loup; si on était riche, à acheter ; si on est épris de l'idéal, à contempler longtemps dans les aspirations rêveuses d'un regard pénétrant qui font de cette tête un modèle d'expression et de sen - timent. Le mérite de ce tableau est dans l'alliance parfaite du pro- cédé et de l'art ; très soigné dans son exécution, d'une couleur chaude et harmonieuse, il rayonne de grâce et de poésie.