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                      LE SALON LYONNAIS                             241
   C'est à des inspirations plus sensuelles, mais non moins remar-
quables que MM. Barrias et Landelle ont demandé l'un son
Ourida de Tétouan, l'autre sa Femme de Chellalah. L'ourida
est évidemment une jeune personne de mœurs légères, j'ajouterai
de mœurs dangereuses. Cette courtisane marocaine a des allures
de vampire. Ses yeux superbes sont ceux d'une goule. Malheur à
qui se laissera séduire par ce teint d'olive et d'orange mêlées, par
cette tête charmante, par ce costume aux nuances étranges, à la
disposition alléchante. Dans la vie de cette femme il y a la mort de
plusieurs hommes. La passion dont flamboie son regard est de
celles qui dégradent et qui tuent : c'est la volupté brutale et absor-
bante de l'Orient. La femme de M. Landelle a peut-être moins de
vigueur et plus de grâce. Le talent de ce peintre est toujours fin
et délicat. Les tresses noires de son sujet, les accessoires de son
costume sont traités avec une grande sûreté de main et de coloris.
   Super ftumina Babylonis...            Mme Salles-Wagner a groupé
quatre Israélites, toutes jumelles, ce qui paraît invraisemblable,
fût-on même au temps des patriarches. Le fond delà toile, d'une
 mollesse regrettable, manque de perspective. Les saules, aux
 branches desquels deux captives, dont l'une est fort mal dessinée,
 suspendent leurs harpes, sont des arbres en crème mal fouettée, ou
 pis encore, tournée. Toutefois la disposition des exilées est heu-
 reuse, leur figure respire la mélancolie, et certains coups de pin-
 ceau sont d'une virtuosité préméditée. Pour mon compte, j'aime
 mieux la vigueur un peu crue du Biogène de M. Magaud. Ce n'est
 pas là une toile de salon : un musée seul peut supporter de pa-
 reilles énergies. Notre délicatesse bourgeoise s'offusquerait bien vite
 de ces muscles vieillis, de ces cheveux incultes, de ce regard fier,
 railleur et cynique ; c'est bien là le philosophe brutal, qui cherche un
 homme,nele trouve pas, et se tient pour très heureux de son insuc-
  cès. L'œuvre de M. Magaud est une œuvre de consciencieux travail.
  Le dessin est net, la touche vigoureuse, les plis du manteau sont
  grassement étoffés. Il faudrait, devant cette peinture large et forte,
  amener M. Courajod. M. Courajod a d'excellentes intentions et
  quelque mérite. La fillette qu'il nous donne pour sainte Elisabeth est
  en extase, ou encore ennuyée d'avoir lu dans un si gros livre. Il y
  a beaucoup-de grâce dans ce corps fluet d'une morbidêzza trop