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           LE SALON LYONNAIS


    L'année dernière, j'exprimais aux lecteurs de la Revue le sen-
timent de tristesse que provoquait en moi la médiocrité affligeante
des œuvres envoyées au « Salon » lyonnais. A part quelques excep-
tions très clairsemées, une teinte de banalité générale assombris-
sait les meilleurs toiles : et la nature morte triomphait, même dans
les tableaux de genre où les accessoires semblaient absorber toute
l'énergie et tout le talent de l'artiste. C'était un grave symptôme,
que la décadence* de la peinture de genre. Devant les exigences et
l'ignorance involontaire d'un public trop pratique, l'art a dû redes-
cendre des sommets élevés ou règne en maître l'idéal infini. La
grande peinture n'a plus d'admirateurs ni d'acheteurs. Si l'intelli-
gence esthétique de la masse faiblit encore, si les tableaux d'inté-
rieur dépassent à leur tour le niveau artistique du plus grand
nombre, s'il faut restreindre l'observation de la nature aux
fleurs et aux bibelots, le métier du peintre ne sera bientôt qu'une
des branches de l'industrie, et les artistes gagneront en argent ce
qu'ils perdront en immortalité.
   Cette triste prévision d'un avenir sans grandeur était fausse.
L'art peut s'éclipser, non s'éteindre, sommeiller, non mourir. Au
milieu des préoccupations de toute espèce qui accablent et domi -
nent nos esprits, malgré les incertitudes du présent et du lende-
main, l'idéal sait reconquérir sa place et forcer notre attention. On
peut dire, sans exagérer, qu'à plus d'un titre l'exposition orga-
nisée parla Société des Amis des Arts marque un progrès, ou, si
l'on veut, un retour aux vraies traditions de la peinture française.
       MARS 1883,   • - T. V.                                16