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Mémoires font ici la plus vive sensation, mais ce qui me peine pour le Corps dont
vous êtes membre, c'est que l'auteur y relève d'une manière sans doute trop énergique
le jugement porté par l'Académie, jugement qui en effet m'a bien surpris, d'après la
persuasion intime où je suis de l'erreur du célèbre géomètre anglois sur cette inégale
réfrangibilité des rayons hétérogènes *, déjà démontrée fausse il y a plus de quarante
ans 3 par le Père Castel, dans l'ouvrage où il met en parallèle les systèmes de Descartes
et Newton. Je ne sais si je me trompe, Monsieur, mais il me semble que l'Académie a
laissé échapper une belle occasion de se distinguer, en rendant des premières justice
à la vérité d'un fait qu'il est si facile de constater et qui, malgré tout le prestige des
calculs de Newton, perce enfin de toutes parts. Newton a pour lui, j'en conviens, les
Astronomes, les Géomètres et les Calculateurs, mais quel Physicien voudroit aujour-
d'hui prendre la défense du Philosophe anglois i En un mot, Monsieur, comme la
vérité est une et que les expériences de M. Marat sur la lumière sont entièrement des-
tructives de la théorie newtonienne, où (sic) il faut démontrer le faux de ces dernières
expériences, où convenir de bonne foi que Newton s'est trompé, etc. [Signé] : De
Rome de l'Isle ».

     Sur les huit manuscrits envoyés au Concours de l'Académie de Lyon,
quatre étaient pour Newton (dont les deux couronnés), et quatre étaient
contre (dont les deux de Marat) : l'un des deux autres anti-newtoniens éma-
nait-il par hasard de Rome de Lisle ? Je ne le pense pas, mais la supposition
est plausible et je me réserve de la vérifier.
     Quant au fond même de la querelle, sans vouloir l'examiner ici, car ce
serait sortir du cadre et du point de vue auxquels je me suis limité, il est à
peine besoin de faire remarquer que la théorie de Newton qui d'ailleurs est
loin d'être parfaite, admet que la lumière naturelle, dont celle du soleil est le
type, se compose d'une infinité de radiations inégalement réfrangibles (ou
plus exactement, comme on dit aujourd'hui : d'une inégale longueur d'onde)
les unes visibles depuis le rouge jusqu'au violet, les autres invisibles dans la
région infra-rouge et dans la région ultra-violette du spectre réel ; tandis
que Marat professe une théorie différente qu'on peut résumer ainsi (voir

l'instigation de Marat en écrivant une lettre embarrassante et désagréable à l'Académie de Lyon qui,
effectivement, avait annoncé qu'elle publierait le Rapport et les deux Mémoires couronnés.
      i . Je fais remarquer ici, une fois pour toutes, combien cette expression « rayons hétérogènes », revenue si
souvent dans les pages précédentes, est inexacte en ce qui concerne le spectre solaire ; ces rayons sont, au
contraire, homogènes puisqu'ils sont tous engendrés par une même source, la lumière!
      a. En supposant exactes les expériences et les idées de Marat, elles ne constitueraient donc pas, contrai-
rement à son dire, des découvertes; et certainement il n'ignorait pas les travaux de ses devanciers, il leignait
seulement de les ignorer !