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la juridiction du Primat des Gaules, qui ne conservait plus dans sa Prima tie
que les archevêchés de Paris, de Sens, et de Tours *.

       Comment était né le litige ? De la façon la plus banale : l'archevêque de
Rouen ayant refusé son visa pour la nomination d'un curé, celui-ci en
appela à l'archevêque de Lyon, en sa qualité de Primat. Ce dernier accueillit
la requête et donna le visa refusé à Rouen.
      En droit, l'appel et la décision étaient absolument réguliers 3 : il
entrait précisément dans les attributions du Primat de recevoir de tels appels
et de statuer en pareil cas. Les précédents étaient d'ailleurs nombreux.
       Mais Colbert qui, comme plusieurs de ses prédécesseurs, supportait
impatiemment cette suprématie de l'Eglise de Lyon, crut les circonstances
favorables pour y faire échec. Il en appela donc comme d'abus de la sen-
tence rendue à Lyon, et saisit le Parlement de Rouen, tandis que l'archevê-
que de Lyon saisissait à son tour celui de Paris.
      Par suite de ce conflit de juridictions, il y avait lieu à « règlement de
juges », comme on dit au Palais. C'est pour statuer sur ce règlement que
l'affaire fut portée au Conseil du Roi, lequel évoqua le fond et retint le
jugement de la cause.
      L'affaire était d'importance. Aussi, en vue de la faire étudier d'une
façon approfondie, le Conseil du Roi, par arrêt du 26 novembre 1697,
nomma tout d'abord des commissaires. Ceux-ci furent choisis parmi les
membres les plus éminents du Conseil d'Etat 3 : c'étaient Messieurs Cour-
tin, Ribeyre, de Marillac, Daguesseau (le père du futur chancelier), et
Camus de Pontcarré, rapporteur. La présidence de la commission fut dévo-

     1. Le ressort de l'archevêché de Tours était beaucoup plus étendu que de nos jours : il comprenait en
outre toute la Bretagne, car Rennes, sous l'ancien régime, n'était pas archevêché, mais simple évêché ressor-
tissant de Tours, comme les huit autres qui existaient alors en Bretagne.
     2. La Primatie était en Occident à peu près l'équivalent du Patriarcat en Orient. Les attributions du
Primat consistaient principalement à recevoir les appels de certaines ordonnances des métropolitains, à
prononcer en dernier ressort sur les sentences des omcialités métropolitaines, à conférer les bénéfices que le
collateur légitime laissait vaquer au delà des délais canoniques. Il y avait d'ailleurs des Primaties qui ne
constituaient qu'un titre purement honorifique, sans juridiction et sans reconnaissance du Saint-Siège.
C'est ainsi que l'archevêque de Sens se qualifiait Primat de Germanie, l'archevêque de Bourges, Primat
d'Aquitaine, et l'archevêque de Vienne prenait le titre plus sonore encore de Primat des Primats des Gaules,
     3. Tous ces noms, quand ils reviennent dans les Mémoires du temps, sont cités avec éloge, même par
Saint-Simon : la bonté et la justice semblaient sortir de son front, dit-il en parlant de Daguesseau.