Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   — 182 —
retour à la province originelle. C'était un gros bourg encore plus qu'aux
trois quarts agricole. Toute la rive gauche du Rhône, très basse, était bor-
dée d'îles entre lesquelles s'étendaient de petits bras du fleuve, ou plutôt
des lagunes ou « lônes » semblables à celles que l'on voit encore en amont
ou en aval, aux îles du Grand-Camp et aux saulées d'Oullins. Le pont de
la Guillotière, dont nous ne voyons plus guère aujourd'hui que la moitié,
traversait dans sa partie sud ces îles et ces lônes pour venir déboucher im-
médiatement à l'entrée de la Grand'Rue. Les célèbres vues de la Topogra-
phia Galliae, éditée en 1657 à Francfort par Mathias Zeiller (et qui, entre
parenthèses, nous ont conservé la seule gravure connue de l'Hôtel de Ville,
tel que l'avait construit Simon Maupin), ces planches admirables de Mérian
et surtout le plan de Ménestrier qu'il est si rare de trouver joint à VHis-
 toire Consulaire de la Ville de Lyon, nous montrent le pont du Rhône se
 prolongeant bien au-delà des sept piles actuelles (lesquelles aboutissaient
 à l'île Plantigny), franchissant par trois autres arches un petit bras mort du
 fleuve, aujourd'hui comblé, puis, à l'aide d'un tablier de bois reposant sur
 pilotis, traversant les prés et les marécages sur lesquels s'élèvent mainte-
 nant les belles maisons du cours Gambetta ; enfin, descendant par un plan
 incliné jusqu'au niveau de la place actuelle du Pont, qui en a conservé le
 nom.
       La grande île et tous les bords immédiats du Rhône n'étaient que
 « vorgihes » ou, comme on disait alors, « breteaux ». Car Puitspelu a eu rai-
 son de le noter, les vieux Lyonnais prononçaient « breteaux » et c'est « bre-
teaux » et non « broteaux » que l'on devrait écrire. Le plan de Ménestrier
 porte en toutes lettres « breteaux». Nous nous permettrons d'ajouter que ce
 rétablissement de l'ancienne orthographe aurait dû, par contre-coup, ré-
 véler à l'étymologiste si fin, parfois même si subtil, des Vieilleries lyonnaises,
 le véritable sens de ce mot si contesté. Mais toute médaille a son revers.
Puitspelu, ce conteur exquis, à la fois artiste, grammairien et poète, et qui
 savait tant de choses, ne savait pas ou savait mal le patois dauphinois ! Il
 possédait à fond celui du Lyonnais et jusqu'au provençal, mais l'entre-deux
lui échappait, ce dialecte des plaines du Rhône que l'on parle de St-Fons
 à Vienne et de Vénissieux à St-Jean-de-Bournay. S'il avait fréquenté le
 chanoine Devaux, il eût sans doute comblé cette lacune. Dans ce rustique