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— 394 — la couronne, que la médaille soit remise au généreux académicien qui a fait les fonds du prix ». Or, ce lauréat, pseudonyme et désintéressé, n'était autre encore que Marat (qui publia son mémoire seulement en 1788), et le généreux acadé- micien n'était autre que Dom Gourdin, qui allait ainsi rentrer dans ses fonds tout en faisant décerner une couronne à Marat ! La connivence entre Gourdin et Marat — connivence aussi peu digne de l'un que de l'autre et d'autant plus déshonnête que l'un et l'autre avaient caché sous l'anonymat le jeu de leur petite comédie — résulte, sans aucun doute possible, des aveux faits par Gourdin lui-même dans les deux docu- ments que voici : Le premier, c'est son Recueil autographe où il a écrit son autobiogra- phie et qui a été analysé, avec longues citations, par M. Ch. de Robillard de Beaurepaire (dans les Travaux de l'Académie de Rouen pendant l'année 1866-67, pages 275-315), recueil dans lequel le moine picard dit textuelle- ment : « Allant à Paris (dans les premiers mois de 1785), j'ai été voir M. Ma- rat, avec qui j'ai toujours été lié depuis. C'est pour lui donner lieu de déve- lopper son système contre l'Optique de Newton que j'ai fait les frais d'un prix extraordinaire en 1786. Il a eu encore ce prix... ». Le deuxième, que je considère comme ayant une importance capitale, c'est une lettre de Gourdin, adressée au commencement de l'année 1786 à M. de La Tourrette, secrétaire perpétuel de l'Académie de Lyon, lettre que j'ai découverte dans les archives de notre Académie, et que je reproduis presque in extenso parce qu'elle a l'intérêt de l'inédit : « Vous savez, Monsieur, que j'ai fait les fonds pour un prix qui sera décerné cette année (à Rouen) et dont le sujet est : de déterminer les vraies causes des couleurs que présentent les lames de verre, les bulles de savon et autres matières diaphanes extrê- mement minces. Comme de droit, j'ai été nommé un des commissaires et je suis chargé du rapport dont je vous ferai passer copie. En attendant, permettez que je vous fasse part de quelques expériences que j'ai faites. Pour m'assurer qu'il n'y a que trois couleurs primitives, que les quatre autres ne sont que des couleurs composées, j'ai répété dans ma chambre obscure les expériences suivantes faites par d'autres (dans la pensée de Gourdin, au premier rang parmi ces « autres », se trouvait Marat ; suit la description de huit expériences). Voilà , Monsieur, les expériences que j'ai faites et auxquelles je compte donner une suite l'année prochaine ; si vous pensez qu'elles