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les plus florissantes de la ville ; dans toutes les fêtes données à l'occasion des
entrées des souverains ou des gouverneurs, on voyait toujours les suppôts
de l'Imprimerie, « sans lesquels ne se faisoyent iamais choses signalées en
public en ceste ville » : à l'entrée du roi Henri II, en 1548, quatre cent treize
imprimeurs figurent dans le cortège. De temps immémorial — disaient-ils
— ils avaient « renouvelle leurs anciennes observées coustumes de donner
quelque allégresse au peuple lyonnois, par une joyeuse reueue qu'ilz sou-
loyent faire, à pied et à cheual » ; en ces circonstances, « ils prononcoyent
certains plaisans Deuis, en forme de coq à l'Asne, auec vne honneste liber-
té, prinse de bonne part de tous ceux qui ont le cœur marqué de gentilles-
se ». Ils se trouvaient parfois cinq cents, six cents, bardés de dagues et
d'épées, vêtus comme des princes, pour honorer un nouveau gouverneur ou
fêter la naissance d'un dauphin. Mais, vers la fin du siècle, les typos s'assa-
gissent — si c'est fou, toutefois, que de rire —, ils font « dessein à meilleure
raison, de s'addonner et exercer à l'Art noble d'Imprimerie », cette profes-
sion « si industrieuse, proffitable, & nécessaire à la manutention des Lois &
Polices de la Société humaine ».
      Ces plaisants devis, que récitaient à carême entrant les suppôts du
Seigneur de la Coquille; qui avaient pour auteurs, c'est sûr, des imprimeurs
de Lyon, ou leurs protes, ou bien leurs correcteurs ; ces scènes rimées dont
les acteurs étaient les imprimeurs eux-mêmes, ou leurs correcteurs ou bien
leurs protes, sont un singulier tableau des mœurs de l'époque. « Bon iour
Touillaud » commence le premier de ces petits opuscules qui soit connu —
« Bonjour Touillaud ». Quel est donc ce Touillaud ? Peut-être quelque typo
de l'époque, quelque souffre-douleur sur qui pesaient les railleries de ses
collègues, plus sûrement une fiction qui symbolisait ce que nous appelle-
rions aujourd'hui une « tête de turc »... Bon iour Touillaud / Dieu gard
goutteux / Ha ! nostre maistre songe-creux / Es-tu icy ? comment te va ? ».
Et le dialogue à trois, si j'ose dire, pétille et fuselle en quelques pages où ne
brille point un esprit excessif, ni trop gaulois, mais où des allusions sont
faites à des gens que nous ne connaissons pas, à des choses un peu mysté-
rieuses pour nous et dont la psychologie nous échappe.