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Chevreuse, Beauvilliers, Mortemart. La puissante tribu des Colbert tenait
toutes les avenues de la ville et de la cour.
     Claude de Saint-Georges, tout Primat qu'il fût, n'était qu'un modeste
gentilhomme de province J , et s'il comptait des parents au noble Chapitre
de Lyon — où faute des seize quartiers, n'aurait pu prétendre aucun
Colbert —, il n'avait dans sa famille ni secrétaires d'Etat, ni personnages
de Cour pour le servir. Il avait environ 73 ans quand il parvint à l'arche-
vêché de Lyon —, ce qui n'indique pas qu'il ait eu beaucoup d'ambition
ni de puissants protecteurs —. Il pratiquait la résidence et on le connaissait
peu à Versailles.
           Selon que vous serez puissant ou misérable.
           Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
     Le bon fabuliste osait écrire ainsi sous Louis XIV, et le résultat du
procès Saint-Georges — Colbert, n'eut pas été pour modifier son opinion.



      Ne nous hâtons pas toutefois de nous trop scandaliser. Il ne s'agissait
point, en l'espèce, d'intérêts privés où la conscience du juge — fût-il le
roi — se sent plus strictement engagée. C'était de l'administration, c'était
de la politique, toutes matières où les légistes du Conseil royal se trouvaient,
sans doute, plus à l'aise pour prendre quelque liberté avec les faits, avec
l'histoire et même avec le droit. Et puis, ce n'était pas seulement une ques-
tion de personnes.
      En 1702, remarquons-le, la politique religieuse de Louis XIV avait
évolué 3. Au gallicanisme combattif de la première partie du règne, qui
avait entraîné de longs démêlés avec le Saint-Siège, et trouvé son expression

      1. Les Saint-Georges, originaires du Limousin, étaient depuis longtemps fixés en Bourgogne. Claude,
l'aîné de huit enfants, fut d'abord chanoine-comte de Lyon, puis successivement évêque de Mâcon, de
Clermont et archevêque de Tours, mais il n'avait pris possession d'aucun de ces sièges par suite des démêlés
de Louis XIV avec Rome. La paix revenue, il fut promu à l'archevêché de Lyon, le 5 novembre 1693.
(V. Pericaud, Revue du Lyonnais, année 1863. — Sandre, Notice historique sur la Maison Saint-Georges et
sur Monseigneur Claude de Saint-Georges, Mâcon, Protat, 1898). — Perrier, Histoire des Evêques et Archevê-
ques de Lyon, Lons-le-Saunier, 1887. — Poullin de Lumina, loc. cit.)
      3. Voir sur ce point Madelin, France et Rome (la Politique religieuse de Louis XIV) et Albert le Roy,
la France et Rome de 1700 à 1715, histoire diplomatique de la Bulle Ugnienitus,