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dans la célèbre Déclaration de 1682, avait succédé chez le vieux roi une
certaine tendance presque ultramontaine, si j'ose dire. Il avait besoin du
pape dans sa lutte contre le jansénisme renaissant, et, en ce début du
xvme siècle, à la veille de la bulle Unigenitus, si vivement sollicitée, il cher-
chait à être agréable à la cour de Rome et au nouveau pape, Clément XI*.
      Or, la thèse de Colbert était proprement ultramontaine 3, tandis que
Saint-Georges, en défendant sa Primatie, se montrait bon gallican, et il ne
craignait pas de proclamer — avec quelque exagération, sans doute 3 —
« qu'on détruirait les fondements de l'Eglise gallicane, si l'on portait atteinte
à la Primatie de Lyon». L'argument eut été fort bon vingt ans plus tôt ; il ne
valait plus rien en 1702, et peut-être même se retournait-il contre l'impru-
dent prélat, qui, au fond de sa province, ne s'était pas tenu au courant des
tendances du jour. On aurait dit, dans notre jargon moderne, qu'il n'était
plus à la page.
      Et puis, pour tout dire, le patronage de Grégoire VII, dont se prévalait
Saint-Georges, n'était-il pas quelque peu compromettant ? — Les monar-
ques absolus, et les légistes de leur entourage, n'ont jamais eu beaucoup de
goût pour le pape Hildebrand, pour le pontife qui avait humilié un empe-
reur à Canossa, et exalté, plus qu'aucun autre, la suprématie universelle des
pontifes romains. Décidément, le nom de Grégoire VII, dans le dossier
Saint-Georges, n'était pas une recommandation 4.
      Sur ce point, on doit reconnaître, toutefois, que Louis XIV n'usa pas
de tous les avantages qu'il aurait pu prendre, et il convient de dire un mot
d'un curieux incident qui donna au procès une ampleur inattendue.
      Nous avons vu plus haut que les bulles de Grégoire VII, de 1079,
constituaient le principal titre écrit de la Primatie lyonnaise. Colbert n'hési-

      1. Clément XI, Albani, élu pape en 1700, mort en 1721.
      3. Il soutenait en effet que l'Eglise de Rouen était soumise directement au Saint-Siège, et ne reconnais-
sait pas d'autre Primat que le pape lui-même.
      3. Il est bien certain, en effet, que Grégoire VII, en confirmant officiellement la Primatie lyonnaise,
n'avait pas la pensée de diminuer le Saint-Siège au profit d'une Eglise étrangère.
      4. On le vit bien quelques années après : le pape Benoît XIII ayant voulu établir un office spécial de
Saint-Grégoire VII, cet office ne fut point reçu en France. Le Parlement de Paris, par arrêt du 20 juillet 1729
en prononça la suppression «comme étant attentatoire à la puissance royale «.Les Parlements de Bretagne,
de Metz, de Bordeaux en firent autant (Voir Durand, le Jansénisme au xvnie siècle, et Joachim Colbert,
Toulouse, 1907).