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La Primatie de Lyon sur les provinces qui formaient les Lyonnaises
de la Gaule Romaine *, se rattachait aux anciennes divisions de celle-ci, et
se fondait sur les plus certaines et les plus antiques traditions. Elle trouvait
en outre une base inattaquable dans les deux Bulles du pape, saint Grégoire
VII —le pape de Canossa — qui, en 1079, avait, sur la demande de l'arche-
vêque saint Jubin 2, non pas institué, mais confirmé cette grande préroga-
tive de l'Eglise de Lyon. Elle avait reçu une nouvelle consécration, en 1096,
sous Urbain II, au concile de Clermont — le concile de la première croisade.
De nombreux actes pontificaux avaient à diverses reprises affirmé la Prima-
tie lyonnaise,qui avait résisté victorieusement à bien des attaques jusqu'Ã
celle de Colbert.
Celui-ci, au travers de beaucoup de mauvaises raisons, ne pouvait
guère invoquer qu'un seul argument de quelque valeur — au moins en
apparence — c'est ce qu'on a appelé la Sentence du Cardinal de Sainte-
Croix. En 1455, à la suite d'un incident assez semblable à celui dont se plai-
gnait Colbert, l'archevêque de Rouen d'alors, qui était le cardinal d'Estou-
teville 3, l'un des plus grands personnages ecclésiastiques de son temps,
réclama en cour de Rome. Il était l'ami du pape régnant, Calixte III — le
premier pape Borgia — et il entendait bien profiter de cette heureuse
circonstance. Le pape délégua, pour étudier cette affaire, l'illustre cardinal
Capranica 4 dit le cardinal de Sainte-Croix (du titre de son église cardina-
lice), et celui-ci, après une procédure qui paraît avoir été assez irrégulière,
rendit une sentence qui libérait l'Eglise de Rouen de la Primatie lyonnaise.
Une Bulle de Calixte III aurait confirmé cette sentence en 1457.
1. La Lyonnaise première, avait pour métropole Lyon ; La Lyonnaise deuxième, Rouen ; La Lyonnaise
troisième, Tours ; La Lyonnaise quatrième, Sens. On voit que c'est précisément le ressort de la Primatie de
Lyon. En général, l'Eglise plaça les divisions religieuses dans le cadre des divisions civiles de l'Empire
romain et ces divisions, quoique modifiées par le Concordat de 1801, ont laissé encore des traces dans l'orga-
nisation actuelle. Cette observation explique pourquoi aujourd'hui, telles ou telles villes, souvent peu
importantes, sont restées le siège d'archevêchés ou d'évêchés.
2. Saint Jubin (ou Gebuin), archevêque de 1077 à 1083. C'est le dernier archevêque de Lyon qui ait
été canonisé. — (V. La Mure, Hist. Ecclésiastique du Diocèse de Lyon, Lyon, 1671). On voit son tombeau
dans l'église de Saint-Irénée.
3. On se rappelle que c'est d'Estouteville qui fit commencer l'enquête pour la réhabilitation de Jeanne
d'Arc, — et c'est ce même pape Calixte III, dont nous retrouvons ici le nom, qui prononça la révision de
l'inique procès.
4. Capranica, né à Palestrina en 1400, mort en 1441, fut un des membres les plus éminents du Sacré
Collège. Cardinal à vingt-trois ans, il faillit monter sur le trône pontifical à la mort de Nicolas V. (Voir
Pastor, Histoire des Papes, tome 2e).