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— 33i — Mais l'archevêque Saint-Georges, dans sa défense, établissait sans trop de peine que la sentence du cardinal de Sainte-Croix était entachée de nombreuses irrégularités ou nullités I. Quant à la bulle de Calixte, elle semble bien n'avoir été qu'un simple projet, œuvre de quelque scribe subalterne que le pape n'avait pas sanctionnée dans les formes requises. Cela est si vrai que d'Estouteville lui-même n'avait jamais osé la produire. Pour en faire ressortir le caractère apocryphe, un vieil auteur 3 montre « Fin- décence avec laquelle elle est conçue, et combien on doit avoir lieu de se défier ni qu'elle soit émanée du pape, ni qu'elle ait pu être exécutée dans les Terres de l'Obéissance du Roi ». Non seulement la prétendue bulle pronon- çait l'excommunication contre l'archevêque de Lyon, en cas de résistance, mais encore elle le représentait comme « enchaîné par le Diable », et elle invitait le clergé et les fidèles de son diocèse « à le dénoncer au son des cloches, à la lueur des chandelles, avec la croix et l'eau bénite, à jeter trois pierres contre sa maison, en prononçant des malédictions, et en souhaitant qu'il soit englouti tout vif, comme autrefois Coré, Dathan et Abyron... » 3. Certes, l'archevêque Colbert ne nourrissait pas d'aussi noirs desseins, mais Saint-Georges, tout de même, était bien fondé à s'étonner de la pro- duction aux débats d'un semblable document. Il s'offensait aussi d'entendre son adversaire l'accuser de « troubler la paix d'une grande métropole » et de fomenter l'indiscipline dans les diocèses normands, par la facilité que trou- vaient les prêtres mécontents, de porter leurs appels au Primat de Lyon 4. Pour étudier complètement les arguments et les faits historiques que soulevait ce débat, il faudrait de longs développements, et je dois me borner i. Elle n'était pas contradictoire. — De plus l'archevêque de Lyon d'alors, Charles de Bourbon, était encore mineur, par suite non installé, et le droit canon ne permettait pas de prononcer contre une Eglise, sede vacante. 2. Poullin de Lumina. 3. Pour achever la démonstration, Saint-Georges rappelait que le Roi Charles VII sitôt qu'il fut prévenu de cette étrange procédure, avait cassé la sentence, et interdit son exécution en France, comme étant con- traire aux libertés de l'Eglise Gallicane, et à la Pragmatique Sanction. Le seul argument plausible de l'archevêque de Rouen était ainsi réduit à néant. (V. 2e requête au Roy et à Nosseigneurs les Commissaires, etc., par Claude de Saint-Georges, archevêque de Lyon, etc., Paris, Annisson, 1699). 4. Colbert use parfois de termes fort vifs, réclamant pour son église la même protection qu'avait obte- nue autrefois un archevêque de Sens, « contre un archevêque de Lyon, qui voulait l'opprimer » (2e Requête au Roy). Ailleurs, il supplie le Roi de mettre un terme « aux entreprises continuelles du sieur Archevêque de Lyon ».