page suivante »
— 209 — 8. Cet homme, que vous voulez frapper à mort et qui gît dans la pous- sière, ignorait la chaleur et la force d'un vin trop abondant. Son corps chétif et son âge avancé le disent clairement. Pourtant, le maître ou l'hôte qui le lui a versé a agi avec une charité supérieure à votre ignorance. 9. Sa faute vous doit être indifférente, elle ne vous atteint pas ; mais vous, en le frappant, vous en commettez une bien plus grande. Il est vieux, faible et seul, vous êtes jeunes, forts et nombreux ; vous devriez donc l'assister promptement. Ainsi vous ne témoigneriez pas seulement votre charité, mais votre reconnaissance envers mon Père qui a puissance sur toutes les choses créées. 10. A sa manière ce vieillard a salué ma Royauté et pour cet aveu il sera bientôt guéri, mais pour vous ma puissance sera longtemps cachée. 11. Et après que Jésus eût ainsi parlé, il disparut. Or un homme de grande famille s'approcha alors, qui releva le vieillard et le persuada avec beaucoup de sympathie de le suivre dans sa maison. Et le vieillard le suivit, mais proférait encore des paroles abondantes et dénuées de sens cependant. Plusieurs versets se voyaient encore, mais les ratures et les interpola- tions étaient si nombreuses que frère iEgidius s'arrêta découragé. Ses petit:; yeux gris papillotaient et autour des mèches oubliées par la tonsure de larges gouttes de sueur tombaient. Tout à coup la scène changea. De fauve la lumière était devenue par degrés d'un rouge si intense que frère Aigidius, tout découragé qu'il fût, eût affirmé qu'un incendie ravageait la bibliothèque abbatiale. Jadis, il aurait pensé à une de ces larges coulées de pourpre répandues par le soleil de septembre, et attisées par la joie des vendanges pour mieux embraser les reins et les cœurs, quand l'orgie bat les grandes portes des pressoirs. Maintenant les in-folio chafouins et tous les livres ajoutant à la sévérité des murailles studieuses l'austérité de leurs reliures disparaissaient sous de multiples touffes de lierre. Les pupitres et les bancs avaient été reculés ou même enlevés comme pour un ballet prochain. Le cri aigu des trompettes, le son déchirant des cymbales couvraient l'appel timide des cloches loin- taines. Alors ce fut dans la bibliothèque rambertine une scène fort étrange, une surgie de nymphes et de satyres à peine comparable à celle qui devait