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ignorés, qui cependant peuvent surgir d'un moment à l'autre et faciliter
encore la création de nouvelles imprimeries. La législation ne peut oublier
plus longtemps cette grave question des brevets, si on veut sortir enfin de
cet état de souffrance et de déconfitures continuelles parmi les imprimeurs ;
si l'on veut prendre en pitié les désastreuses conséquences d'une concur-
rence outrée, anormale, entraînant la ruine et la misère de la classe ouvrière
des imprimeurs, de cette classe qui, elle aussi, devrait vivre de sa profession,
tandis que son état s'aggrave de jour en jour par la fatale tolérance des abus
signalés plus haut...».
      Cette question des brevets, en effet, était grave. Un arrêté du 9 juillet
1810 avait bien dit, on s'en souvient, que les ateliers de quelques-uns des
imprimeurs de Lyon ne pourraient subsister après leur mort ; les régimes
éphémères de cette période troublée avaient-ils oublié cette condamnation
préventive ? le fait est que tous les ateliers qui l'avaient voulu s'étaient sur-
vécus : Ayné avait succédé à Brunet, Benoît Boursy à son père.

      Un peu plus tard, en 1848, un autre mal, profond, extrêmement grave,
entraîne rapidement l'imprimerie lyonnaise à la ruine : la plupart des ate-
liers n'ont plus de correcteurs, je veux dire de correcteurs sérieux et ins-
truits : sous la direction incapable, partiale et incohérente de protes igno-
rants, des manières de correcteurs, plus ignorants encore, admis sans
examen aux places occupées jadis par Alciat, par Chappuzeau, par Spon,
par Dolet, par Guéroult, par Sadolet et par Rabelais lui-même, compromet-
tent sans espoir la typographie, déjà scandaleusement relâchée. Les jour-
naux qui sortent de ces bas-fonds de l'art ont encore une certaine élégance,
mais ils sont criblés de fautes grossières, bizarres, impardonnables. C'est la
pleine décadence et voilà que renaît une fois de plus cette question éternel-
lement neuve dans les ateliers, celle qui faisait jadis pousser à l'infortuné
Michel Servet un cri d'alarme : « C'en est fait à Lyon du premier des arts,
si l'on n'y apporte un prompt remède, c'est-à-dire une correction stricte et
sévère ».