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                   EXCURSION DANS LE MIDI.                    405

   « Dans le mois d'octobre de cette année-là, Jean Gourjn
dit Francœur, natif du village de C o u r , près Monségur, dio-
cèse de Bordeaux, soldat de la compagnie de M. de L a u r e n t ,
fut du nombre de ceux qui composaient ce détachement.
Voilà qu'un jour , tout-à-coup l'imagination de Francœur s'é-
chauffe , il conçoit le noble projet de devenir roi de l'île de
Raloneau ; les idées de sa profession ne servent qu'à le con-
firmer dans la possibilité de sa réussite. Francœur était ce
jour là en senlinelle à la porle du donjon. Il épie le moment
où sa petite troupe, sortant de la forteresse pour aller cher-
cher dans l'île ou sur les bords de la mer les provisions de la
place , le laisserait libre d'exécuter son projet. Le moment dé-
siré arrive. Francœur laisse tomber le trébuchet du ponl-levis,
court au magasina poudre, charge les canons, range toule la
mousquelterie sur les remparts et commence à tirer sur ses ca-
marades répandus dans l'île ; ceux-ci se réfugient dans le creux
des rochers et sont enfin contraints d'abandonner l'île à l'aide
d'un bateau , qu'ils ne montèrent point sans courir de grands
dangers , à cause de la continuité dji feu que Francœur diri-
geait sur eux.
   « Maître de toute l'île, Francœur se persuada facilement
qu'il en était le souverain absolu. Par ce fait, il ne dominait
que sur des nombreux troupeaux de chèvres que des bergers
faisaient paître dans cette île. Aussi disposait-il de leur vie au
gré de son appétit. Il n'avait aucune ressource pour se procu-
rer du pain et du vin. Son imagination lui en fournit bientôt
une à faire : ce fut de rançonner les vaisseaux qui passe-
raient à la hauteur de l'île. Il ne trouvait en cela, a-t-il dit
lui-même, rien qui ne fut conforme aux droit des gens, puis-
que l'île et ses rivages étaient sous sa domination. Souverain
absolu, il pouvait exiger un tribu des passants , pour droit de
protection.
    Quelques jours s'étaient écoulés sans qu'on pût aborder
l'île de Ratoneau par le soin que le roi conquérant avait pris
d'écarter tout ce qui lui paraissait suspect, remplissant seul