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BIBLIOGRAPHIE 607 et prêter plus de confiance à son drapeau qu'à son arme de combat. Or, cette arme à tous, c'est la langue provençale, forte de sa dignité d'idiome complet, d'idiome vivant. Pourquoi donc en perdre le culte!... La langue du Midi étant tombée des mains du troubadour aux mains du pâtre et du marin, n'étant enseignée nulle part, ayant même contre elle, depuis François I e ', l'enseignement officiel, le poète qui veut des modèles et des maîtres doit aller les chercher où ils sont, parmi les paysans, les pêcheurs, les hommes de la nature. Aussi qu'arrive-t-il ? C'est que des inspirés sans culture d'esprit, de vrais paysans, comme Tavan, le plus simplement ému des félibres, comme Langlade, le grand idyllique du Languedoc, que Mistral seul a dépassé pour la description de la nature méridionale, comme Charles Rieu (du Paradou, près Arles) et d'autres encore, produisent des chants cent fois plus colorés, cent fois plus savoureux que ceux de la jeune école citadine. Dans la prose, par exemple, tout est encore à faire. Après Roumanille, après Mistral, après La Sinso, ces admirables peintres, ces grands naturalistes, dans le sens esthétique du mot, beaucoup reste à glaner dans les champs de la fantaisie. Pourquoi donc ces jeunes esprits dont quelques-uns, les plus jeunes surtout, semblent si élevés, si franchement provençaux et félibres, dédaignent-ils cette mine nouvelle où ils pourraient révéler des trésors. Quant au drame, les tentatives qu'on en a faites n'ont guère plus abouti. En dehors de l'admirable Pan clou Pecat, d'AubaneI,un chef-d'œuvre, à qui on ne saurait peut-être reprocher qu'une chose, l'absence du personnage sympathique que le spectateur moderne semble exiger, aucune œuvre de grande valeur n'a con- tinué la tradition du vieux théâtre provençal de Brueys et de Jean de Cabanes. Nous ne voudrions pas blâmer cependant l'heureux essai de M.Roumieux Quau voir prendre dos lèbres à la fes n'en prend ges,comédieeu vers.ni les Mouro de M. Gaut, grand drame patriotique joué à Forcalquier en 1875, avec succès, pas plus que des pièces jouées à Montpellier dans ce théâtre roman dont nous sommes des premiers à déplorer la disparition, et qui n'étaient pas sans valeur. Mais nous reporterons à tous les essais dramatiques de la Muse romane une partie des critiques que nous adressons aujourd'hui à la Marsiheso de M. Astruc. M. Louis Astruc a vingt-six ans. Ses débuts remontent à 1875. Il écrivit dès le premier jour en provençal de Marseille, sa ville natale, qu'il aime en insensé. Le programme des fêtes de Pétrarque lui ayant révélé sa vocation, il remporta ses premières couronnes aux grands Jeux de Forcalquier, et, s'étant de suite lancé dans la polémique littéraire, put être présenté solennellement par Mistral à la grande Sainte-Estelle de 1876, en Avignon, comme le jouine journaliste prouven- çau. En 1877, M. Christian de Villeneuve fonda son journal Lou Prouvençau, et M. Astruc y fournit, avec d'admirables poésies, une Crounico marsiheso qui obtint un réel succès et qu'il continua, après la disparition de ce journal, dans le Dominique de Roumieux et la Cigalo d'or. Après trois années d'interruption, M. Astruc vient de reprendre cette chronique provençale dans lou Brusc, d'Aix, sous le titre Courriê félibren. Nous déplorions tout à l'heure l'absence d'une prose dans le félibrige. Il en existerait pourtant un commencement, d'une façon latente, dans les feuilles pro- vençales de ces dix dernières années. Et sans chercher plus loin, M. Astruc a laissé dans le Prouvençau, une excellente nouvelle TJno pajo dou Carnavas, qui, publiée avec la traduction que nous a promise M. Alb. Savine, obtiendrait