page suivante »
584 L A R E V U E LYONNAISE conserver ces richesses que nous sommes felibres. Nous voulons en faire bénéficier le patrimoine commun, et c'est dans un intérêt littéraire vraiment national que nous reprenons la tradition de Clémence Isaure, que nous réalisons fidèlement son vœu suprême à Paris, puisque Toulouse ne se décide pas encore à l'accomplir, malgré les éloquentes objurgations de Mistral. Ces explications générales témoignent hautement que la Société des Felibres de Paris n'a pas obéi à une pensée banale et sans portée, en inscrivant, en tête de son programme poétique l'éloge de Clémence Isaure et en glorifiant l'aimable fondatrice des Jeux Floraux, Comme si tous les pays de langue d'Oc avaient voulu s'associer à nos sentiments, des concurrents sont venus de toutes les parties du Midi, prendre part à la lutte pacifique et se disputer l'honneur de chanter dignement Clémence Isaure. Quatre d'entre eux nous ont paru mériter des récompenses : ils représentent pour ainsi dire la France méridionale tout entière, consacrant dans ses principaux dialectes l'idée même du félibrige parisien. Le premier vainqueur est un languedocien, le félibre majorai Auguste Fourès, dont le talent original et expressif ne s'est peut-être en aucune circonstance manifesté avec plus d'éclat. Le jury a été unanime à lui décerner le premier prix. A cette heure même, le vaillant poète du Lauraguais accomplit une œuvre patrio- tique d'un caractère touchant : il réunit, en un volume, qui devra être vendu au profit des inondés d'Alsace-Lorraine, les poésies qui lui ont été adressées par nos confrères felibres, en témoignage de profonde sympathie pour nos malheureux mais fidèles concitoyens des pays annexés. Notre plus haute récompense ne pouvait être mieux placée, puisqu'elle honore à la fois un éminent félibre et un ardent patriote. Le deuxième prix a été décerné à une provençale d'Arles, Mlle Alexandrinc Brémond, qui, avec un lyrisme du meilleur goût et une finesse très délicate de pensée, a célébré en vers étincelants de soleil celle qu'elle appelle « la pre- mière des fèlibr esses ». Les poésies honorées de la première et de la deuxième mention ne sont pas moins remarquables peut-être sous le rapport de la forme et du fond, et elles auraient certainement obtenu des prix, si la première n'avait contenu certaines longueurs peu favorable au mouvement de l'ode et si la seconde n'avait joint au même défaut l'expression réitérée dépensées trop générales. M. Hippolyte Olivier, d'Anduze (Gard), félibre cévenol, qui a longtemps charmé les auditoires populaires de la région du Gardon par ses poésies tendres ou joyeuses, par sa spirituelle comédie lous Yiels de laVièio, a reçu la première mention honorable. Un félibre dauphinois hienconnu, M. Ernest Challamel, deDieu-le-Fit (Drôrne), a mérité la seconde. Il se consolera d'autant plus facilement de n'avoir pas le premier rang, qu'il a eu l'honneur, cette année même, de conquérir, à nos Jeux Floraux par son Eloge de Florian, la,palme de la poésie française — prouvant ainsi, ce que d'ailleurs tant d'autres ont démontré et démontrent chaque jour qu'on peut être à la fois bon poète français et bon félibre, et unir dans un même amour filial le parler du pays natal et la langue nationale *. 1 On trouvera plus loin l'ode couronné de Mlle A. Brémond, L'importance de la pièce de M. Fourès nous oblige à la renvoyer au prochain numéro.