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524 LA REVUE LYONNAISE La Franche-Comté a été réunie à la France, à une époque où notre pays s'étendait jusqu'au Rhin. Ce mouvement d'extension n'a pas seulement cessé: il s'est retourné contre nous. L'Alle- magne a déjà franchi les Vosges, et nous sommes menacés de voir la Saône redevenir, comme jadis, la limite de l'Empire. Toutce qui à l'intérieur diminue l'accord des esprits, relâche en même temps les liens qui réunissent les diverses parties de la France. Lorsqu'un pouvoir manque d'unité matérielle et morale, il cesse de personnifier la patrie, et le pays est en danger. Si la division des partis continue, le démembrement nous attend ; et s'il a lieu, ou plutôt s'il se renouvelle, il recommencera par la Franche- Comté. Le peuple, dans les grandes occasions, est insensibleà l'intérêt : il lui faut quelque chose de plus noble et de plus digne de lui. L'in- térêt conseillait au peuple comtois de se soumettre à Louis XIV ; il lui a résisté au nom de sa religion qu'il croyait menacée et qui formait le fond de son patriotisme. La science par laquelle on vou- drait aujourd'hui remplacer la religion, au lieu de la lui donner pour compagne, inspirera-t-elle le patriotisme ? Nous en ferons l'expérience. Dieu veuille qu'après une guerre, qui sera moins longue que celle que soutint la Franche-Comté, des personnages, pris parmi les plus savants du pays, ne viennent pas un jour comme les conseillers de Dôle nous parler « à pleine bouche » de l'Alle- magne. E. CHARVÉRIAT.