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        RÉUNION DE LA FRANCHE-COMTÉ A LA FRANCE                                   523
 acte de la lutte. La défense fut digne du peuple comtois. Comme
 à Dôle, en 1636, ce furent des moines qui dirigèrent l'artillerie, et
 les femmes se dévouèrent, pour aller porter des vivres aux rem~
 parts, ou soigner les blessés dans les ambulances. Investi le
 25 février 1674, Besançon capitula le 15 mai. Gray s'était déjà
 rendu le 6 mars ; Dôle se rendit le 6 juin.
   Pour juger avec équité ces dernières guerres, il ne faut pas ou-
blier que la Franche-Comté était épuisée par quarante armées de
lutte, et qu'elle avait perdu, d'après certains auteurs, les neuf
 dixièmes de ses habitants '. La population née pendant cette pé-
riode néfaste, de parents malingres et épuisés par la maladie, les
fatigues et la faim, présentait toutes les marques de l'abâtardisse-
ment. La Franche-Comté ne fut donc conquise qu'après avoir.été
presque détruite. Le gouvernement français fut obligé de faire venir
des colons pour cultiver les terres en friches ; et bientôt, sur soixante
mille familles, plus de la moitié furent étrangères 2.
   C'était le peuple qui avait résisté le dernier : ce fut aussi lui qui,
contre l'annexion, protesta le dernier. On a dit que les Comtois se
faisaient enterrer la face contre terre pour ne pas voir resplendir
le soleil de Louis XIV. Les soldats qui traversaient les forêts tom -
bèrent plusieurs fois dans des embuscades et furent massacrés par
les paysans qu'on appelait alors les croquants. Louis XIV, pour
faire un exemple, donna l'ordre de pendre à Besançon un certain
nombre de villageois. Les croquants condamnés voulurent, ayant de
mourir, boire à la santé du roi d'Espagne. Les femmes, qui avaient,
dans toutes les luttes, montré un admirable courage, protestèrent
aussi à leur manière. Lorsqu'arrivait la fête de Saint-Louis, au
lieu delà chômer et de la célébrer, elles affectaient de travailler
sur le pas de leurs portes.
   Lorsque l'on considère la durée des divers gouvernements qu'a
eus la Franche-Comté, ce qui frappe le plus, c'est le peu de temps
pendant lequel cette province a été réunie à la France 2 . Le
sera-t-elle longtemps encore : on ne peut que l'ignorer.

  i II, 330.
  2
    M. de Piépape nous apprend, mais seulement incidemment, que la Franche-Comté
avait 500.000 habitants lors delà conquête de Louis XIV (II, 448), ce qui ne s'accorde
guère avec ce qu'il dit précédemment (II, 330), sur la réduction de la population.