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518 LA R E V U E LYONNAISE Que les aventuriers pullulent au milieu de pareils événements, il n'y a là rien qui puisse surprendre; il y en eut de toutes sortes, surtout de politiques et de militaires. Parmi les politiques on peut compter Jean Chrétien de Watteville, abbé de Baume. Né à Be- sançon vers 1613, d'une famille bernoise venue en Franche-Comté, il embrasse d'abord la carrière des armes et prend du service en Espagne. Un duel, dans lequel il tue le premier gentilhomme de la reine, l'oblige à fuir; il se réfugie à Paris et se fait chartreux. Bientôt las du cloître, il s'échappe sous un déguisement, après avoir poignardé le prieur du couvent; il vient a Madrid ; ses nou- veaux duels et ses aventures galantes ne tardent pas à l'en faire chasser. 11 se rend alors à Smyrne, puis à Constantinople, où il se fait circoncire et embrasse la religion musulmane ; il devient pacha deMorée, occupe huit ans ce poste,et fait,en cette qualité, la guerre aux Vénitiens. Eu 1660, il abjure l'islamisme, obtient par son hypocrisie et grâce à l'influence cle son frère, alors ambassa- deur d'Espagne à Rome, le pardon du pape pour ses meurtres et pour son apostasie. Ce scélérat reparaît en Franche-Comté, et, au lieu de périr sur la roue, il devient abbé de Baume, coadjuteur de Luxeuil, puis maître des requêtes au parlement de Dôle et doyen du chapitre de Besançon. Il est même élu archevêque de cette ville; le pape Alexandre VII refuse de ratifier l'élection. Un homme capable d'arriver, avec une pareille vie, à une aussi haute for- tune, ne pouvait être qu'un habile diplomate. Il s'engage dans les négociations les plus épineuses, les plus délicates, les plus diffi- ciles, tantôt du côté des Comtois, tantôt du côté des Français ; il se vend enfin à Louis XIV dont il fréquente la cour, obtient l'abbâye de Saint-Josse en Picardie, j séjourne pendant quelque temps; et enfin, tant la justice divine est pleine de mystères, il vient mourir paisiblement, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans, dans son abbaye de Baume-les-Messieurs, non loin de Lons-le-Sau- nier, dans le pays qu'il a trahi i . Les aventuriers militaires sont moins odieux ; certains même ont passé pour des héros. Le plus célèbre et le dernier fut La- cuson. Glaude Prost, connu sous le surnom de Lacuson, qui dans i DePiépape, II, SOS, 3.27.