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514                 LA REVUE LYONNAISE
mais un gentilhomme bizontin releva brusquement le mousquet :
« Y songes-tu bien, dit-il ; tuer le roi de France ! Et les repré-
sailles ! » Le mousquetaire détourna son arme, et Henri IV échappa
une fois de plus à la mort.
    Quelques jours après, le roi promettait la neutralité à la ville,
moyennant le paiement d'une contribution. Il occupa ensuite
Lons-le-Saunier et rançonna Saint-Claude.
   La guerre n'avait rien perdu de sa barbarie depuis Louis XI ; et
cette barbarie ne se manifestait pas seulement chez les soldais.
Après avoir pris Arbois, Biron fit saisir le capitaine More],
qui avait été l'âme de la défense. Il lui reprochait d'avoir viole
les lois de la guerre en exposant sa ville aux dernières extré-
mités, et le fit pendre à un tilleul dont les branches s'étendaient
sur le bord d'un chemin. Une tradition locale ajoute même que
Biron se fit apporter son repas près de l'arbre où le corps de la
victime se balançait encore.
    On ne cherchait donc pas à gagner les Comtois; on ne songeait
 qu'à les intimider. Ils obtinrent cependant de la bonne humeur
 de Henri IV quelques adoucissements. Le lendemain de la capi-
 tulation, le roi fit son entrée à Arbois, et on lui offrit le vin
 d'honneur. Comme il dégustait en vrai connaisseur le cru du Jura,
 un Arboisien, emporté par l'amour du terroir, s'écria : « Sire,
 Votre Majesté le trouve bon... eh bien! nous en avons du meilleur
 encore! — A merveille! répondit le roi en clignant de l'œil... m'est
 avis que vous le gardez pour une plus belle occasion. » Le
 Comtois ne put que se taire; mais la cause des habitants était
 gagnée : Henri IV abaissa le montant de la rançon, et depuis lors
 il eût toujours dans ses caves une provision de vin d'Arbois.
    La guerre que Henri IV avait faite à la Comté fut terminée par
 la paix de Vervins (1598). Celle que Richelieu déclara à cette
 malheureuse province fut encore plus longue et plus meurtrière.
    Deux personnages, il serait peut-être juste de dire deux aven-
 turiers, ont été comme les mauvais génies de la Franche-Comté à
 cette époque: le duc d'Orléans, frère de Louis XIII, et le duc de
 Lorraine, Charles IV. Ce furent leurs séjours imprudents qui ser-
 virent de prétexte à l'invasion de Richelieu ; et après avoir com-
 promis ce malheureux pays, après l'avoir excité à la lutte,ces deux