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486 LA R E V U E LYONNAISE assiégé en communication avec la province : pigeons voyageurs, ballons, câbles, boules flottantes, etc. Pourquoi faut-il que le souci de sa propre personnalité qui aurait dû, ce semble, sinon disparaître, du moins s'effacer plus modestement dans un ouvrage de ce genre, ait fait écrire à l'auteur je ne sais combien de pages qui eussent été mieux placées partout ailleurs que dans ce volume ? L'ancien directeur géné- ral des télégraphes et des postes a été, comme on sait, en butte à beaucoup d'attaques. Mais il eût dû pour sa défense choisir un autre terrain que celui-ci. On ne peut s'empêcher de regretter la part considérable qu'il a consacrée dans son livre à des discussions et à des polémiques qui devaient lui demeurer toutes personnelles. L'ARVOR, poésies bretonnes, par ADRIEN DE CARNÉ. Paris, Didier, 1883. 1 vol. in-18 Jésus. — Prix : 3 fr. Auguste Barbier, qui fut, à part son heure de réelle inspiration, un vrai M. Prud'homme, conserve toujours, chez les autres, le culte de la grande poésie ! Il unissait, dans une même vénération, notre magnifique Mistral au charmant poète Brizeux. Pour lui, Mireille et Marie étaient les deux caractéristiques du génie français, le Midi et le Nord faits chair. Et en cela, Barbier n'avait pas tort. Deux courants sociaux se sont partagé, au dix-neuvième siècle, les littératures occidentales : l'aspiration vers l'unité humaine, le retour aux traditions du foyer. De cette dernière influence sera sorti tout entier, chez nous, le révqil intellec- tuel des provinces qui se manifeste si glorieusement encore par la renaissance du Midi. Quant à la Bretagne, elle aura participé à cette protestation de la France contre l'unitarisme par la voix de ses grands poètes. Brizeux, Emile Souvestre, MM. Luzel et de la Villemarqué, poètes tous les quatre, ont fait pour la Bretagne dans l'ordre littéraire, historique et philologique tout ce qu'on pouvait tenter dans cette étroite sphère. Après avoir trouve grâce devant Paris, cette pléiade dont ils ont été les étoiles, disparaissant peu à peu, semblait emporter avec elle le culte de ses souvenirs. Mais voici qu'un jeune poète nous rappelle tout ce grand passé, et fort de la tradition de ses maîtres, ne craint pas de nous tracer dans la langue sonore de 1830, les héroïques annales de son pays. C'est un plaisir pour nous de saluer l'Arvor de M. de Carné. Ce livre prendra place dans la biblio- thèque de tous ceux qui aiment la Bretagne. On y voudra souvent relire la Submer- sion d'Is, le Choeur des vagues, le Soir d'automne en Kefné, le Mortelgri et le Combat des Trente ; on y trouvera dans des paysages virgiliens, comme en ont fait Brizeux, Autran et Adolphe Dumas, un écho des mélodies romantiques et l'on gravera dans sa mémoire ces quatre vers du poète qui résument si bien l'esprit des derniers Bretons, exilés loin du sol natal : Mon âme est comme une étrangère Sur la terre où Dieu l'exila. Brise du soir, brise légère, Vers la Bretagne emporte-la. IPAUL M A R I É T O N .