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414 LA R E V U E LYONNAISE jeune fiancée. Mais bientôt la mort lui fait place, et le force à jouer un rôle politique. Ses deux frères aines, Louis, duc de Guyenne, et Jean, duc de Touraine sont enlevés à peu de distance l'un de l'autre 1 . Le 13 avril 1417, Charles quitte le titre du duc de Touraine, qu'il avait porté quelque temps, lorsque son frère Jean était devenu héritier présomptif, pour prendre celui de Dauphin de France. Il sortait de cette sorte de demi-jour où il. avait vécu jusqu'alors pour assumer la grave responsabilité du gouvernement, en un temps où la France était divisée par les factions et à la. merci de l'étranger ; où cette couronne que lui promettait son nouveau titre, convoitée par un puissant compétiteur, semblait ne devoir jamais reposer sur sa tête. La mort du roi de Sicile lui en- levait en même temps son meilleur conseiller et son plus ferme appui. Jamais règne ne s'ouvrit sous des auspices plus défavo- rables. Obligé de fuir de Paris,livré à la faction bourguignonne, le Dauphin s'établit à Bourges, et c'est de là que cet enfant de quinze ans, entouré de quelques serviteurs fidèles, doit organiser la résistance et contre l'Anglais et contre un gouvernement qui s'autorise du nom de son père, du nom du roi, pour refuser au Dauphin le titre et l'autorité de régent du royaume. Il semble que la première partie du plaidoyer de M. de Beau- court soit à peu près irréfutable. Avec une patience digne d'un bénédictin, non seulement il a compulsé tous les documents qui pouvaient éclairer l'histoire fort confuse de cette période, mais il a suivi, jour par jour, dans les comptes de la dépense de la petite cour du Dauphin, heureusement conservés, les détails en apparence les plus secondaires de son existence. Il est parvenu à déterminer ainsi d'une manière précise l'itinéraire de ses voyages, et à re- trouver dans ces dépenses inscrites par ses serviteurs sans qu'ils eussent pensé à la postérité, le tableau le plus exact et le plus fidèle de la vie de son jeune héros. Je laisse à dessein ce mot qui n'est ici pas trop fort. M. de Beaucourt ne fait point sans doute du jeune Dauphin un homme de génie ; mais il nous le montre si attentif, si appliqué aux affaires, si prodigue de ses peines et de ses pas, quand il s'agit de retenir sous son obéissance les seules contrées 1 Louis, duc de Guyenne, mourut le 18 décembre 1415, et Jean, duc de Touraine, le 5 avril 1517.